拍品专文
Au pied de l’Himalaya, une main se dessine coupant le ciel. Cette empreinte humaine comme une signature est devenue un symbole, une icône, celui d’une nouvelle façon de penser l’architecture et la vie en société, celui d’une ville révolutionnaire : Chandigarh.
En 1947, le Raj britannique a vécu, et laisse un territoire morcelé où Lahore, capitale historique de l’état du Pendjab devient pakistanaise. Il est rapidement décidé de fonder une nouvelle capitale sur le versant indien de cet important état dans un style s’affranchissant de l’esthétique anglo-saxonne. Après plusieurs essais infructueux, une équipe d’architecte est enfin constituée en 1951 avec quatre membres du CIAM dirigée par Le Corbusier. Pour s’aider dans sa tâche Le Corbusier formule une demande, non négociable, la collaboration de son cousin Pierre Jeanneret. Depuis 1940, les deux cousins se sont éloignés professionnellement et idéologiquement, il reste pourtant entre eux une indéfectible amitié : Chandigarh sera l’opportunité de retrouvailles intenses pour ces deux créateurs aussi complémentaires que différents. Le Corbusier donnera l’idée, et développera une cité spécifiquement indienne dont il dessinera les bâtiments les plus importants, mais c’est à Pierre Jeanneret de coordonner une équipe d’environ 500 architectes, de régler les problèmes techniques et d’envisager chacun des détails d’une ville nouvelle avec minutie. Touche-à-tout, avec un sens inné des matériaux, de la technique et d’un empirisme sans faille, Jeanneret est le parfait contrepoint à la figure tutélaire, parfois autoritaire et distante que représente Le Corbusier. L’ainé dessine souvent le premier plan qu’affine et rectifie ensuite Jeanneret, tant et si bien qu’il est parfois difficile de déterminer l’exacte contribution de l’un sur l’œuvre de l’autre. Contrairement à son cousin qui ne fait que des voyages d’appoint en Inde, Pierre reste sur le terrain pendant presque quinze ans et s’adapte parfaitement à la vie indienne. Dès son arrivée, Jeanneret réalise un ameublement rudimentaire pour ses besoins personnels, il puise dans l’artisanat local, prend la mesure des matériaux les plus typiques et adaptés : bambou, fibre végétale cannée et tige de fer. Mais à mesure que la ville sort de terre, la création d’un mobilier rationalisé produit en masse devient nécessaire, et Jeanneret prend la tête d’un atelier de création dédié : le Low Cost Furniture. Comme pour son mobilier personnel, Jeanneret privilégie l’observation du contexte indien, il en va d’une éthique personnelle mais aussi d’un souci d’efficacité. Jeanneret et son équipe s’inspirent des meubles traditionnels tels que le charpoï pour ses lits, font usage de bois locaux, tels que le teck, massif ou plaqué ou encore de sissoo, détournent certains objets emblématiques de la vie indienne comme les bols en fer Sikh accolés et formant les réflecteurs de lampadaires. Si une partie du mobilier est standardisée, Jeanneret et Le Corbusier veillent à produire un nombre infini de variantes, spécifiquement adaptées à un lieu, un usage ou symbolisant une hiérarchie en jouant sur la hauteur du dossier ou encore des matériaux. Par mimétisme esthétique, Jeanneret n’hésite pas à rappeler l’architecture des bâtiments dans ses meubles, ainsi le crénelage des étagères de la vitrine de la Central library rappellent l’ondulation des panneaux de verre et l’alternance de rampes de l’architecture intérieure qu’il a conçues. Cette production d’une créativité foisonnante permet de rythmer les espaces tout en maintenant la cohérence de Chandigarh.
At the foot of the Himalayas, a hand can be seen reaching up to the sky. This human imprint, like a signature, has become a symbol, an icon, of a new way of thinking about architecture and life in society. It is the symbol of a revolutionary city: Chandigarh.
In 1947, the British Raj ended, leaving a fragmented territory where Lahore, the historic capital of the state of Punjab, became Pakistani. It was quickly decided to found a new capital on the Indian side of this important state in a style that broke away from the Anglo-Saxon aesthetic. After several unsuccessful attempts, a team of architects was finally formed in 1951 with four CIAM members led by Le Corbusier. To help him in his task, Le Corbusier made a non-negotiable request for his cousin Pierre Jeanneret to work with him. Since 1940, the two cousins had drifted apart professionally and ideologically, but they still remained very much friends: Chandigarh would be an opportunity for the two men, whose approaches were very different yet complementary, to meet again. Le Corbusier came up with the idea and planned a specifically Indian city, for which he designed the most important buildings, but it was up to Pierre Jeanneret to coordinate a team of about 500 architects, to solve the technical problems and to consider every detail of the new city with great care. A jack-of-all-trades with an innate feeling for materials, technique and unfailing empiricism, Jeanneret was the perfect counterpoint to the tutelary and sometimes authoritarian and distant Le Corbusier. The elder architect often drew the first plan, which Jeanneret then refined and corrected, so much so that it is sometimes difficult to determine the exact contribution of one to the work of the other. Unlike his cousin, who only made occasional trips to India, Pierre stayed on site for almost fifteen years and adapted perfectly to the Indian way of life. When he arrived, Jeanneret made rudimentary furnishings for his personal needs, drawing on local craftsmanship and familiarising himself with the most typical and suitable materials: bamboo, woven plant fibres and iron rods. But as the city grew, so did the need for streamlined, mass-produced furniture, and Jeanneret took the lead in setting up a dedicated Low-Cost Furniture design workshop. As with his own personal furniture, Jeanneret was keen to respect the Indian context, as a matter of personal ethics but also of efficiency. Jeanneret and his team were inspired by traditional furniture such as the charpai for their beds. They made use of local timber such as teak (solid or veneered) and North Indian rosewood and transformed certain objects that were emblematic of Indian life into other objects, such as the Sikh iron bowls that were placed side by side to form reflectors for lamps. Although some of the furniture was standardised, Jeanneret and Le Corbusier were careful to produce countless variants, specifically adapted to a place, a use or symbolising a hierarchy by playing with the height of the backrest or the materials. Through aesthetic mimesis, Jeanneret often evoked the architecture of the buildings in his furniture. For example, the crenelated shelves of the Central Library display case recall the undulating glass panels and alternating railings of the interior architecture he had designed. This abundantly creative production gave rhythm to the spaces while maintaining the coherence of Chandigarh.
En 1947, le Raj britannique a vécu, et laisse un territoire morcelé où Lahore, capitale historique de l’état du Pendjab devient pakistanaise. Il est rapidement décidé de fonder une nouvelle capitale sur le versant indien de cet important état dans un style s’affranchissant de l’esthétique anglo-saxonne. Après plusieurs essais infructueux, une équipe d’architecte est enfin constituée en 1951 avec quatre membres du CIAM dirigée par Le Corbusier. Pour s’aider dans sa tâche Le Corbusier formule une demande, non négociable, la collaboration de son cousin Pierre Jeanneret. Depuis 1940, les deux cousins se sont éloignés professionnellement et idéologiquement, il reste pourtant entre eux une indéfectible amitié : Chandigarh sera l’opportunité de retrouvailles intenses pour ces deux créateurs aussi complémentaires que différents. Le Corbusier donnera l’idée, et développera une cité spécifiquement indienne dont il dessinera les bâtiments les plus importants, mais c’est à Pierre Jeanneret de coordonner une équipe d’environ 500 architectes, de régler les problèmes techniques et d’envisager chacun des détails d’une ville nouvelle avec minutie. Touche-à-tout, avec un sens inné des matériaux, de la technique et d’un empirisme sans faille, Jeanneret est le parfait contrepoint à la figure tutélaire, parfois autoritaire et distante que représente Le Corbusier. L’ainé dessine souvent le premier plan qu’affine et rectifie ensuite Jeanneret, tant et si bien qu’il est parfois difficile de déterminer l’exacte contribution de l’un sur l’œuvre de l’autre. Contrairement à son cousin qui ne fait que des voyages d’appoint en Inde, Pierre reste sur le terrain pendant presque quinze ans et s’adapte parfaitement à la vie indienne. Dès son arrivée, Jeanneret réalise un ameublement rudimentaire pour ses besoins personnels, il puise dans l’artisanat local, prend la mesure des matériaux les plus typiques et adaptés : bambou, fibre végétale cannée et tige de fer. Mais à mesure que la ville sort de terre, la création d’un mobilier rationalisé produit en masse devient nécessaire, et Jeanneret prend la tête d’un atelier de création dédié : le Low Cost Furniture. Comme pour son mobilier personnel, Jeanneret privilégie l’observation du contexte indien, il en va d’une éthique personnelle mais aussi d’un souci d’efficacité. Jeanneret et son équipe s’inspirent des meubles traditionnels tels que le charpoï pour ses lits, font usage de bois locaux, tels que le teck, massif ou plaqué ou encore de sissoo, détournent certains objets emblématiques de la vie indienne comme les bols en fer Sikh accolés et formant les réflecteurs de lampadaires. Si une partie du mobilier est standardisée, Jeanneret et Le Corbusier veillent à produire un nombre infini de variantes, spécifiquement adaptées à un lieu, un usage ou symbolisant une hiérarchie en jouant sur la hauteur du dossier ou encore des matériaux. Par mimétisme esthétique, Jeanneret n’hésite pas à rappeler l’architecture des bâtiments dans ses meubles, ainsi le crénelage des étagères de la vitrine de la Central library rappellent l’ondulation des panneaux de verre et l’alternance de rampes de l’architecture intérieure qu’il a conçues. Cette production d’une créativité foisonnante permet de rythmer les espaces tout en maintenant la cohérence de Chandigarh.
At the foot of the Himalayas, a hand can be seen reaching up to the sky. This human imprint, like a signature, has become a symbol, an icon, of a new way of thinking about architecture and life in society. It is the symbol of a revolutionary city: Chandigarh.
In 1947, the British Raj ended, leaving a fragmented territory where Lahore, the historic capital of the state of Punjab, became Pakistani. It was quickly decided to found a new capital on the Indian side of this important state in a style that broke away from the Anglo-Saxon aesthetic. After several unsuccessful attempts, a team of architects was finally formed in 1951 with four CIAM members led by Le Corbusier. To help him in his task, Le Corbusier made a non-negotiable request for his cousin Pierre Jeanneret to work with him. Since 1940, the two cousins had drifted apart professionally and ideologically, but they still remained very much friends: Chandigarh would be an opportunity for the two men, whose approaches were very different yet complementary, to meet again. Le Corbusier came up with the idea and planned a specifically Indian city, for which he designed the most important buildings, but it was up to Pierre Jeanneret to coordinate a team of about 500 architects, to solve the technical problems and to consider every detail of the new city with great care. A jack-of-all-trades with an innate feeling for materials, technique and unfailing empiricism, Jeanneret was the perfect counterpoint to the tutelary and sometimes authoritarian and distant Le Corbusier. The elder architect often drew the first plan, which Jeanneret then refined and corrected, so much so that it is sometimes difficult to determine the exact contribution of one to the work of the other. Unlike his cousin, who only made occasional trips to India, Pierre stayed on site for almost fifteen years and adapted perfectly to the Indian way of life. When he arrived, Jeanneret made rudimentary furnishings for his personal needs, drawing on local craftsmanship and familiarising himself with the most typical and suitable materials: bamboo, woven plant fibres and iron rods. But as the city grew, so did the need for streamlined, mass-produced furniture, and Jeanneret took the lead in setting up a dedicated Low-Cost Furniture design workshop. As with his own personal furniture, Jeanneret was keen to respect the Indian context, as a matter of personal ethics but also of efficiency. Jeanneret and his team were inspired by traditional furniture such as the charpai for their beds. They made use of local timber such as teak (solid or veneered) and North Indian rosewood and transformed certain objects that were emblematic of Indian life into other objects, such as the Sikh iron bowls that were placed side by side to form reflectors for lamps. Although some of the furniture was standardised, Jeanneret and Le Corbusier were careful to produce countless variants, specifically adapted to a place, a use or symbolising a hierarchy by playing with the height of the backrest or the materials. Through aesthetic mimesis, Jeanneret often evoked the architecture of the buildings in his furniture. For example, the crenelated shelves of the Central Library display case recall the undulating glass panels and alternating railings of the interior architecture he had designed. This abundantly creative production gave rhythm to the spaces while maintaining the coherence of Chandigarh.