拍品专文
L'ensemble ici présenté, dessiné pour une élégante cliente de Paul Poiret, la marquise de Luppé née Albertine de Broglie (1872-1946), était visible dans l'exposition "1905-1925 Le Paris de la modernité" au Petit Palais - Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris 14 novembre 2023 au 14 avril 2024.
Cette robe de 1913 reprend la fameuse tunique "abat-jour" sur un "pantalon de harem" que Paul Poiret crée pour sa femme Denise lors de la célèbre soirée de la "Mille et Deuxième Nuit", que le couple donne en son hôtel particulier le 24 juin 1911. Très présente dans la collection hiver 1911-1912, la forme "abat-jour" vient d’un cerceau qui structure la tunique, créant un effet de jupe évasée. Le goût du couturier pour les turbans naît également d’une exposition sur l’Inde vue au musée de Kensington à Londres. Mais c’est en 1913 que nait réellement la robe, lorsque le Théâtre de la Renaissance à Paris confie à Paul Poiret la réalisation des costumes pour la pièce de Jacques Richepin Le Minaret, tâche à laquelle il s’attelle avec ses assistants Erté et José de Zamora.
Poiret, déjà réputé pour son style avant-gardiste et ses toilettes pour les plus grandes comédiennes du temps, de Réjane à Sarah Bernhardt, propose une série de tenues inspirées de l'Orient et des contes des Mille et Une Nuits. La robe Minaret, en particulier, capture l'essence de l'opulence orientale tout en intégrant des éléments modernes et audacieux qui redéfinissent les canons de la mode de l’entre-deux-guerres. L’élégance du satin et de la mousseline, se mêle à des motifs rappelant l’Orient : turbans ornés d’aigrettes, galons et franges métalliques. Lors des représentations de la pièce Le Minaret, dans lesquelles se produisit Mata-Hari, les somptueux costumes fascinent le public, comme le souligne Mme Swell dans la revue L'Art et la Mode qui trouve l’actrice principale « majestueuse et superbe, en son serouail de gaze d'argent ».
La robe est un succès commercial immédiat et dès l’été 1913, des déclinaisons apparaissent lors des événements mondains. La silhouette de la tenue Minaret, avec ses lignes épurées et ses tuniques bouffantes, s’impose dans les collections des grandes maisons, et la jupe Minaret devient un motif incontournable des soirées élégantes. Cette "mode persane" selon l'historien d'art et de la mode Laurent Cotta, traverse rapidement les frontières, portée par la renommée de Poiret dont le premier voyage aux États-Unis en 1913 provoque un engouement pour la toilette. Les illustrations des costumes de la pièce et les photographies des représentations théâtrales diffusent le style Minaret à travers l’Europe et ailleurs.
Le succès de la robe dépasse largement les représentations théâtrales. Commercialisée en plusieurs versions, tout comme l’ensemble "Sorbet" abondamment illustré par Georges Lepape 3, la robe Minaret devient une icône de la haute couture de l’époque, symbole d’un orientalisme réinventé par l’Art Déco. La revue Comoedia illustré d'avril 1913 écrit "A la croisée du costume de théâtre et de la haute couture, la robe Minaret de Paul Poiret a marqué son époque d’une empreinte orientale pleine d’audace, et son importance historique ne doit pas être sous-estimée dans l’histoire du costume de théâtre et de l’évolution des tendances de la haute-couture."
Des oeuvres similaires sont aujourd’hui conservées dans des institutions prestigieuses comme le Victoria & Albert Museum de Londres, le Musée du Costume de Kyoto, le Fashion Institute of Technology à New York, et le Chicago History Museum. Le Centre National du Costume de Scène, le Musée de la Mode et du Costume – Palais Galliera ("Paul Poiret et Nicole Groult maîtres de la mode Art Déco",1986), comme le Metropolitan Museum of Art, avec "Poiret King of Fashion" en 2007, s’accordent aussi pour considérer la toilette et les costumes de la pièce dont elle est issue comme un tournant historique de la mode de l’époque, et de la création de Poiret dans son ensemble. C’est encore le couturier lui-même qui en détaille l’importance dans son autobiographie publiée en 1930, En habillant l’époque : "Laissez-moi vous rappeler le coup d'État que fut dans l'art de mise en scène la première représentation du Minaret..."
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The ensemble presented here, designed for one of Paul Poiret's elegant clients, the Marquise de Luppé born Albertine de Broglie (1872-1946), was on show in the exhibition ‘1905-1925 Le Paris de la modernité’ at the Petit Palais - Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris from 14 November 2023 to 14 April 2024.
This 1913 dress is based on the famous ‘lampshade’ tunic over ‘harem trousers’ that Paul Poiret created for his wife Denise for the famous ‘Mille et Deuxième Nuit’ (‘One Thousand and Second Night’) party, which the couple gave at their Paris mansion on 24 June 1911. Very much present in the winter 1911-1912 collection, the ‘lampshade’ shape comes from a hoop that structures the tunic, creating the effect of a flared skirt. The designer's taste for turbans was also inspired by an exhibition on India at the Kensington Museum in London. But it was in 1913 that the dress was really born, when the Théâtre de la Renaissance in Paris commissioned Paul Poiret to make the costumes for Jacques Richepin's play Le Minaret, a task he undertook with his assistants Erté and José de Zamora.
Poiret, already renowned for his avant-garde style and his gowns for the greatest actresses of the time, from Réjane to Sarah Bernhardt, proposed a series of outfits inspired by the Orient and the tales of the Thousand and One Nights. The Minaret dress, in particular, captures the essence of oriental opulence while incorporating bold modern elements that redefine the canons of inter-war fashion. The elegance of satin and chiffon blended with motifs reminiscent of the Orient; turbans adorned with aigrettes, braids and metallic fringes. During performances of the play Le Minaret, in which Mata-Hari took part, the sumptuous costumes fascinated the audience, as pointed out by Mme Swell in the magazine L'Art et la Mode, who found the lead actress ‘majestic and superb in her silver gauze serouail’.
The dress was an immediate commercial success and by the summer of 1913, variations were appearing at social events. The silhouette of the Minaret dress, with its clean lines and puffed tunics, became a fixture in the collections of the major fashion houses, and the Minaret skirt became an essential motif for elegant evenings. This ‘Persian fashion’, according to art and fashion historian Laurent Cotta, quickly crossed borders, buoyed by the fame of Poiret, whose first trip to the United States in 1913 sparked a craze for the gown. Costume illustrations for the play and photographs of theatre performances spread the Minaret style throughout Europe and beyond.
The success of the dress extended far beyond the stage. Marketed in several versions, like the ‘Sorbet’ ensemble lavishly illustrated by Georges Lepape, the Minaret dress became an icon of haute couture at the time, a symbol of orientalism reinvented by Art Deco. The April 1913 issue of Comoedia illustré wrote: ‘At the crossroads of theatrical costume and haute couture, Paul Poiret's Minaret dress left a bold oriental mark on its era, and its historical importance should not be underestimated in the history of theatrical costume and the evolution of haute-couture trends.’
Similar works are now kept in prestigious institutions such as the Victoria & Albert Museum in London, the Costume Museum in Kyoto, the Fashion Institute of Technology in New York and the Chicago History Museum. Furthermore, The Centre National du Costume de Scène, the Musée de la Mode et du Costume - Palais Galliera (‘Paul Poiret et Nicole Groult maîtres de la mode Art Déco’,1986), and the Metropolitan Museum of Art, ‘(‘Poiret King of Fashion’ in 2007), also agree that the toilette and the costumes of the piece from which it is taken represent a historic turning point in fashion at the time, and in Poiret's creative work as a whole. It was the couturier himself who detailed its importance best in his autobiography, En habillant l'époque, published in 1930: ‘Let me remind you of the coup d'état that the first performance of Le Minaret was in the art of staging...’.
Cette robe de 1913 reprend la fameuse tunique "abat-jour" sur un "pantalon de harem" que Paul Poiret crée pour sa femme Denise lors de la célèbre soirée de la "Mille et Deuxième Nuit", que le couple donne en son hôtel particulier le 24 juin 1911. Très présente dans la collection hiver 1911-1912, la forme "abat-jour" vient d’un cerceau qui structure la tunique, créant un effet de jupe évasée. Le goût du couturier pour les turbans naît également d’une exposition sur l’Inde vue au musée de Kensington à Londres. Mais c’est en 1913 que nait réellement la robe, lorsque le Théâtre de la Renaissance à Paris confie à Paul Poiret la réalisation des costumes pour la pièce de Jacques Richepin Le Minaret, tâche à laquelle il s’attelle avec ses assistants Erté et José de Zamora.
Poiret, déjà réputé pour son style avant-gardiste et ses toilettes pour les plus grandes comédiennes du temps, de Réjane à Sarah Bernhardt, propose une série de tenues inspirées de l'Orient et des contes des Mille et Une Nuits. La robe Minaret, en particulier, capture l'essence de l'opulence orientale tout en intégrant des éléments modernes et audacieux qui redéfinissent les canons de la mode de l’entre-deux-guerres. L’élégance du satin et de la mousseline, se mêle à des motifs rappelant l’Orient : turbans ornés d’aigrettes, galons et franges métalliques. Lors des représentations de la pièce Le Minaret, dans lesquelles se produisit Mata-Hari, les somptueux costumes fascinent le public, comme le souligne Mme Swell dans la revue L'Art et la Mode qui trouve l’actrice principale « majestueuse et superbe, en son serouail de gaze d'argent ».
La robe est un succès commercial immédiat et dès l’été 1913, des déclinaisons apparaissent lors des événements mondains. La silhouette de la tenue Minaret, avec ses lignes épurées et ses tuniques bouffantes, s’impose dans les collections des grandes maisons, et la jupe Minaret devient un motif incontournable des soirées élégantes. Cette "mode persane" selon l'historien d'art et de la mode Laurent Cotta, traverse rapidement les frontières, portée par la renommée de Poiret dont le premier voyage aux États-Unis en 1913 provoque un engouement pour la toilette. Les illustrations des costumes de la pièce et les photographies des représentations théâtrales diffusent le style Minaret à travers l’Europe et ailleurs.
Le succès de la robe dépasse largement les représentations théâtrales. Commercialisée en plusieurs versions, tout comme l’ensemble "Sorbet" abondamment illustré par Georges Lepape 3, la robe Minaret devient une icône de la haute couture de l’époque, symbole d’un orientalisme réinventé par l’Art Déco. La revue Comoedia illustré d'avril 1913 écrit "A la croisée du costume de théâtre et de la haute couture, la robe Minaret de Paul Poiret a marqué son époque d’une empreinte orientale pleine d’audace, et son importance historique ne doit pas être sous-estimée dans l’histoire du costume de théâtre et de l’évolution des tendances de la haute-couture."
Des oeuvres similaires sont aujourd’hui conservées dans des institutions prestigieuses comme le Victoria & Albert Museum de Londres, le Musée du Costume de Kyoto, le Fashion Institute of Technology à New York, et le Chicago History Museum. Le Centre National du Costume de Scène, le Musée de la Mode et du Costume – Palais Galliera ("Paul Poiret et Nicole Groult maîtres de la mode Art Déco",1986), comme le Metropolitan Museum of Art, avec "Poiret King of Fashion" en 2007, s’accordent aussi pour considérer la toilette et les costumes de la pièce dont elle est issue comme un tournant historique de la mode de l’époque, et de la création de Poiret dans son ensemble. C’est encore le couturier lui-même qui en détaille l’importance dans son autobiographie publiée en 1930, En habillant l’époque : "Laissez-moi vous rappeler le coup d'État que fut dans l'art de mise en scène la première représentation du Minaret..."
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The ensemble presented here, designed for one of Paul Poiret's elegant clients, the Marquise de Luppé born Albertine de Broglie (1872-1946), was on show in the exhibition ‘1905-1925 Le Paris de la modernité’ at the Petit Palais - Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris from 14 November 2023 to 14 April 2024.
This 1913 dress is based on the famous ‘lampshade’ tunic over ‘harem trousers’ that Paul Poiret created for his wife Denise for the famous ‘Mille et Deuxième Nuit’ (‘One Thousand and Second Night’) party, which the couple gave at their Paris mansion on 24 June 1911. Very much present in the winter 1911-1912 collection, the ‘lampshade’ shape comes from a hoop that structures the tunic, creating the effect of a flared skirt. The designer's taste for turbans was also inspired by an exhibition on India at the Kensington Museum in London. But it was in 1913 that the dress was really born, when the Théâtre de la Renaissance in Paris commissioned Paul Poiret to make the costumes for Jacques Richepin's play Le Minaret, a task he undertook with his assistants Erté and José de Zamora.
Poiret, already renowned for his avant-garde style and his gowns for the greatest actresses of the time, from Réjane to Sarah Bernhardt, proposed a series of outfits inspired by the Orient and the tales of the Thousand and One Nights. The Minaret dress, in particular, captures the essence of oriental opulence while incorporating bold modern elements that redefine the canons of inter-war fashion. The elegance of satin and chiffon blended with motifs reminiscent of the Orient; turbans adorned with aigrettes, braids and metallic fringes. During performances of the play Le Minaret, in which Mata-Hari took part, the sumptuous costumes fascinated the audience, as pointed out by Mme Swell in the magazine L'Art et la Mode, who found the lead actress ‘majestic and superb in her silver gauze serouail’.
The dress was an immediate commercial success and by the summer of 1913, variations were appearing at social events. The silhouette of the Minaret dress, with its clean lines and puffed tunics, became a fixture in the collections of the major fashion houses, and the Minaret skirt became an essential motif for elegant evenings. This ‘Persian fashion’, according to art and fashion historian Laurent Cotta, quickly crossed borders, buoyed by the fame of Poiret, whose first trip to the United States in 1913 sparked a craze for the gown. Costume illustrations for the play and photographs of theatre performances spread the Minaret style throughout Europe and beyond.
The success of the dress extended far beyond the stage. Marketed in several versions, like the ‘Sorbet’ ensemble lavishly illustrated by Georges Lepape, the Minaret dress became an icon of haute couture at the time, a symbol of orientalism reinvented by Art Deco. The April 1913 issue of Comoedia illustré wrote: ‘At the crossroads of theatrical costume and haute couture, Paul Poiret's Minaret dress left a bold oriental mark on its era, and its historical importance should not be underestimated in the history of theatrical costume and the evolution of haute-couture trends.’
Similar works are now kept in prestigious institutions such as the Victoria & Albert Museum in London, the Costume Museum in Kyoto, the Fashion Institute of Technology in New York and the Chicago History Museum. Furthermore, The Centre National du Costume de Scène, the Musée de la Mode et du Costume - Palais Galliera (‘Paul Poiret et Nicole Groult maîtres de la mode Art Déco’,1986), and the Metropolitan Museum of Art, ‘(‘Poiret King of Fashion’ in 2007), also agree that the toilette and the costumes of the piece from which it is taken represent a historic turning point in fashion at the time, and in Poiret's creative work as a whole. It was the couturier himself who detailed its importance best in his autobiography, En habillant l'époque, published in 1930: ‘Let me remind you of the coup d'état that the first performance of Le Minaret was in the art of staging...’.