拍品专文
Une attribution claire
D’origine allemande, Martin Carlin (vers 1730-1785) est reçu maître ébéniste en 1766 et s’établit au faubourg Saint-Antoine, à l’enseigne du « Saint-Esprit » ou de « La Colombe ». Ses liens familiaux avec Jean-François Oeben, dont il épouse la sœur cadette, et avec Roger Van der Cruse, forgent son style. A la différence des autres ébénistes d’origine allemande et des élèves d’Oeben, Carlin ne pratique que rarement la marqueterie et préfère opposer l’or des bronzes aux surfaces émaillées polychromes des plaques de porcelaine de Sèvres ou aux fonds sombres des panneaux de laque.
Le trépied et le tambour circulaire de ces sellettes, orné de plaques « quart de cercle » alternées de médaillons ou de rosaces, sont des caractéristiques communes à un certain nombre d’œuvres de Martin Carlin, telles que deux tables chiffonnières conservées au Louvre (inv. OA 7624 et inv. OA 10467, illustrées dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 228 et 229.)
Les bronzes de ces sellettes sont également à l’image de ceux de Carlin : abondants, finement ciselés, composés d’encadrements, de guirlandes, de frises et de chutes de feuillages, de fleurs et de fruits, parfois même associés aux noms de Gouthière et Thomire. La commode de Mme Victoire du château de Bellevue et une paire d’encoignures, réalisées par Martin Carlin et conservées au Louvre, présentent les mêmes encadrements de bronze, à décor de réserves, ceintes d’oves ou de rais-de-cœurs, ainsi que des guirlandes de fleurs et de fruits enrubannées similaires, que Daniel Alcouffe considère caractéristiques de l’ébéniste. (inv. OA 5498 et inv. 5499, illustrées dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 254 et 258). Ce dernier cite comme autres particularités les chutes de feuilles d’acanthe et moulures à oves, godrons ou rosaces, que l’on retrouve sur les deux meubles mentionnés, mais aussi sur un secrétaire à abattant et un bureau de Martin Carlin au Louvre, longeant la corniche de l’un et la ceinture de l’autre. (inv. OA 11176 et inv. OA5470, illustrées dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 244 et 261).
Par ailleurs, la préciosité de la laque du Japon sous Louis XVI, considérée nettement supérieure à la laque de Chine, confirme l’attribution de ces sellettes à Martin Carlin. En effet, à partir des années 1730, la Compagnie des Indes orientales française ne fournit presque plus de laques japonaises d’exportation, rendant rares et couteux les panneaux de laque encore disponibles sur le marché parisien. Les marchands-merciers furent même contraints de s’en procurer chez des particuliers parisiens qui possédaient d’anciens meubles en laque. Trop onéreuses, ces laques japonaises ne pouvaient donc être achetées et employées par de simples ébénistes : aucun autre ébéniste sous Louis XVI, à part Carlin, Baumhauer et BVRB n’ont produit de meubles en laque du Japon de cette qualité. Par exemple, les panneaux de la seule commode en laque mentionnée dans l’inventaire après-décès de Martin Carlin provenaient d’un cabinet acheté 2500 livres par le marchand-mercier Darnaud lors de la vente du duc d’Aumont en 1782. La préciosité de ces laques contribua ainsi à dessiner une nette démarcation entre ces trois grands ébénistes et le reste de la profession.
A la différence de ceux de Chine, les panneaux de laque du Japon correspondaient d’ailleurs particulièrement au goût du mobilier sous Louis XVI. Inscrits à l’origine dans les surfaces réduites de tiroirs de cabinets japonais, ainsi délimités par un cadre imaginaire et comparables à de « petits tableaux », ils s’adaptent ainsi aisément au réemploi et sont parfaitement intégrables dans les étroites réserves et encadrements néoclassiques. Plus encore, les ébénistes les adaptèrent à l’esthétique française, marquée par le goût de la symétrie et l’horreur du vide : ils complétèrent au vernis certains espaces, réajustèrent certaines perspectives, compensèrent certaines asymétries et ajoutèrent certains ornements qui bien souvent n’auraient jamais trouvé place sur des panneaux orientaux. Ainsi, certaines fleurs et papillons sur les panneaux de laque de cette paire de sellettes pourraient avoir étés ajoutés par fantaisie par l’ébéniste, ou un vernisseur auquel il aurait fait appel.
Le fruit d’un processus créatif : un prototype
Si cette paire de sellettes est attribuée à Martin Carlin, elle révèle surtout, se sa construction à ses derniers ornements, la réflexion créatrice de l’ébéniste. Le montage de ces sellettes, presque expérimental et tâtonnant, suggère qu’elles auraient pu servir de prototype : le niveau supérieur semble avoir été conçu pour un plateau de marbre, avant d’en accueillir finalement un en bois noirci, au cours de la fabrication. De même, l’épaisseur des tranches de bois derrière les plaques de laque laissent penser qu’elles étaient destinées à soutenir des plaques de porcelaine. Dans de nombreuses créations de Carlin, ces panneaux pouvaient d’ailleurs régulièrement être interchangés : certains meubles dotés de plaques de porcelaine de Martin Carlin trouvent ainsi leurs homologues recouverts de laque du Japon, comme la table à écrire de la collection Jones, conservée au Victorian and Albert Museum (T. Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 362), similaire à celle dotée de plaques de porcelaine livrée à la duchesse Marie Feodorovna en 1784, probablement conçue en même temps. Plus encore, la torse hélicoïdale au centre de ces sellettes semble avoir été associée, probablement au cours de la construction.
Cette paire de sellettes illustre également, par certains inachèvements spécifiques, la spontanéité de la création de l’ébéniste. Premièrement, elles ne portent pas d’estampille. Ensuite, l’ébéniste ne semble pas avoir accordé de soin esthétique au montage intérieur, ce qui ne correspond pas à la pratique habituelle de Carlin pour une construction de telle qualité : les tranches de bois n’ont pas été polies et certaines traces de colle n’ont pas été enlevées. Enfin, le choix du bois noirci plutôt que de l’ébène appuie l’hypothèse du modèle préparatoire unique et du caractère expérimental de la création ; Carlin n’aurait en effet pas pris le risque d’utiliser un matériau si précieux et si peu malléable pour une création dont il ne prévoyait pas exactement à l’avance l’apparence finale.
Ces tâtonnements et changements de choix esthétiques pourraient aussi bien refléter les souhaits ou caprices d’un client commanditaire. Celui-ci aurait par exemple pu vouloir changer la destination de ces sellettes au cours de leur fabrication, ou encore les adapter à l’évolution de la mode de l’époque. En effet, le goût des meubles en laque sous Louis XVI se développe un peu plus tardivement que celui des plaques de porcelaine, davantage associées à la période Transition. Il est ainsi possible que le client ait souhaité remplacer les plaques de porcelaines initialement prévues, mais devenues désuètes, par des panneaux de laque.
Qu’elles soient ou non un modèle prototype, ces sellettes sont très certainement l’objet d’une commande unique et personnalisée ; Thibaut Wolvesperges écrit d’ailleurs à propos de BVRB, Baumhauer et Carlin « Ces trois ébénistes réalisèrent dans leur atelier une partie des plus beaux meubles en laque que la France nous ait laissés, il apparait normal que, pour les meubles exceptionnels, ils soient réalisés sur commande, répondant le mieux possible à l’attente d’un client, le prix des matériaux étant trop élevé pour qu’un marchand prenne le risque de ne pas vendre directement le meuble terminé» (T. Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000).
La synthèse de différentes influences
Cette paire de sellettes illustre avant tout l’influence capitale des marchands-merciers sur l’œuvre de Carlin, et plus largement, sur l’ensemble de la production de mobilier au XVIIIe siècle. Les panneaux de laque et plaques de porcelaine étant obligatoirement achetés par les marchands-merciers, ces derniers se rendent essentiels auprès des ébénistes, leur apportent des instructions précises sur le style et la nature des pièces commandées et façonnent ainsi le goût de l’époque. La prédilection des marchands-merciers pour les petits meubles légers, précieux, rigoureusement construits et féminins, comme ces sellettes, explique d’ailleurs qu’ils constituent une grande partie de l’œuvre de Carlin. Dans ce style, une table de salon d’époque Transition estampillée par Martin Carlin, recouverte de panneaux de laque du Japon, a été vendue chez Christie’s à Paris le 6 novembre 2014, lot 301. Martin Carlin n'a quasiment travaillé que pour les marchands merciers : les meubles à plaques de porcelaine, plutôt livrés par Simon-Philippe Poirier et Dominique Daguerre, représentent environ un tiers de sa production, tandis qu’un quart de son œuvre est composé de meubles ornés de panneaux de laque, en particulier fournis par les frères Darnault. C’est encore par l’intermédiaire de marchands-merciers que Carlin exécute de nombreuses commandes pour Marie-Antoinette, pour le comte et la comtesse de Provence, le comte d’Artois, Mesdames, les filles de Louis XV au château de Bellevue et la comtesse du Barry. Mais la raréfaction des laques du Japon au XVIIIe siècle était telle que même les grands marchands-merciers éprouvent des difficultés à s’en procurer ; ainsi se creuse naturellement un fossé au sein de la profession, quatre d’entre eux prédominant alors pour les meubles en laque : Simon-Philippe Poirier, Dominique Daguerre les Juillot et les frères Darnault.
Mais cette paire de sellettes révèle également l’influence du style à la grecque des années 1760-1765 sur l’ensemble de la production de mobilier néoclassique. Durant la période Transition, les fouilles des cités antiques Herculanum et Pompéi connaissent un vif retentissement en France et la découverte des vestiges grecs et romains marquent durablement les répertoires ornementaux, la création picturale et la production de mobilier. En 1755, Johann Joachim Winckelman publie Réflexions sur l’imitation des ouvrages grecs dans la sculpture et la peinture, considéré comme un des premiers manifestes néoclassiques. Ainsi se diffusent de nouvelles pièces de mobilier, comme l’athénienne, qu’évoque notre paire de sellettes par leur tambour circulaire et leur trépied centré d’une torse hélicoïdale. Une athénienne comparable est peinte par Joseph-Marie-Vien, dans sa Vertueuse Athénienne, 1762, conservée au Musée des Beaux-Arts de Strasbourg. De même, une cassolette de Pierre Gouthière, réalisée vers 1780 et conservée à la Wallace Collection de Londres, calquée sur la construction d’une athénienne, évoque en tout point notre paire attribuée à Carlin, par ses trois pieds arqués et sa torsade centrale.
De sa forme générale au détail de ses ornements en bronze, mais également par la préciosité de ses panneaux de laque du Japon, cette paire de sellettes correspond en tout point à l’œuvre de Martin Carlin. L’aspect expérimental et tâtonnant de son montage et la spontanéité de certains inachèvements spécifiques révèlent le cheminement de sa création, laissant penser qu’elles auraient pu servir de modèles prototypes. Enfin, à l’image de l’œuvre de Carlin, cette paire de sellettes est le fruit de l’influence capitale des marchands-merciers, et de celle, plus discrète, du style à la grecque des années 1760, fondateur de l’ensemble de la création néoclassique.
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A clear attribution
Of German origin, Martin Carlin (circa 1730-1785) was awarded the title of master cabinetmaker in 1766 and established himself in the Faubourg Saint-Antoine, under the sign of the “Saint-Esprit” or “La Colombe”. His family ties with Jean-François Oeben, whose younger sister he married, and with Roger Van der Cruse, forged his style. Unlike other cabinetmakers of German origin and Oeben's pupils, Carlin rarely used marquetry, preferring to contrast the gold of bronzes with the polychrome enamel surfaces of Sèvres porcelain plates or the dark backgrounds of lacquer panels.
The tripod and circular drum of these sellettes, adorned with “quarter-circle” plates alternating with medallions or rosettes, are features common to a number of Martin Carlin's works, such as two chiffonier tables in the Louvre (inv. OA 7624 and inv. OA 10467, illustrated in D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier Musée Louvre, Dijon, 1993, p. 228 and 229). Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 228 and 229).
The bronzes on these sellettes also reflect those of Carlin: abundant, finely chased, with frames, garlands, friezes and falls of foliage, flowers and fruit, sometimes even associated with the names Gouthière and Thomire. Madame Victoire's commode from the Château de Bellevue and a pair of corner chests by Martin Carlin in the Louvre feature the same bronze frames, with reserve decorations encircled by oves or rais-de-cœurs, as well as similar garlands of flowers and fruit, which Daniel Alcouffe considers characteristic of the cabinetmaker (inv. OA 5498 and inv. 5499, illustrated in D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 254 and 258).
The latter cites as other particularities the acanthus leaf falls and moldings with oves, gadroons or rosettes, found on the two pieces of furniture mentioned, but also on a flap desk and a desk by Martin Carlin in the Louvre, running along the cornice of one and the belt of the other. (inv. OA 11176 and inv. OA5470, illustrated in D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 244 and 261).
Moreover, the preciousness of Japanese lacquer under Louis XVI, considered far superior to Chinese lacquer, confirms the attribution of these sellettes to Martin Carlin. Indeed, from the 1730s onwards, the French East India Company almost ceased to supply Japanese lacquer for export, making the lacquer panels still available on the Paris market scarce and expensive. Merchants were even forced to buy from Parisian individuals who owned old lacquer furniture. Too expensive, these Japanese lacquers could not be bought and used by simple cabinetmakers: no other cabinetmaker under Louis XVI, apart from Carlin, Baumhauer and BVRB, produced Japanese lacquer furniture of this quality. For example, the panels of the only lacquer commode mentioned in Martin Carlin's after-death inventory came from a cabinet purchased by the marchand-mercier Darnaud for 2,500 livres at the Duc d'Aumont sale in 1782. The preciousness of these lacquers thus helped to draw a clear line between these three great cabinetmakers and the rest of the profession.
In contrast to Chinese lacquer, Japanese lacquer panels were particularly suited to the furniture tastes of the Louis XVI period. Originally inscribed in the reduced drawer surfaces of Japanese cabinets, thus delimited by an imaginary frame and comparable to “little paintings”, they are easily adapted to re-use and are perfectly integrated into narrow neoclassical reserves and frames. What's more, cabinetmakers adapted them to the French aesthetic, marked by a taste for symmetry and a horror of emptiness: they filled in certain spaces with varnish, readjusted certain perspectives, compensated for certain asymmetries and added certain ornaments that would often never have found a place on oriental panels. For example, some of the flowers and butterflies on the lacquer panels of this pair of fifth wheels may have been added on a whim by the cabinetmaker, or a varnisher he called in.
In contrast to Chinese lacquer, Japanese lacquer panels were particularly suited to the furniture taste of the Louis XVI period. Originally inscribed in the small drawer surfaces of Japanese cabinets, thus delimited by an imaginary frame and comparable to “little paintings”, they are easily adapted for re-use and perfectly integrated into narrow neoclassical reserves and frames. What's more, cabinetmakers adapted them to the French aesthetic, marked by a taste for symmetry and a horror of emptiness: they filled in certain spaces with varnish, readjusted certain perspectives, compensated for certain asymmetries and added certain ornaments that would often never have found a place on oriental panels. For example, some of the flowers and butterflies on the lacquer panels of this pair of fifth wheels may have been added on a whim by the cabinetmaker, or a varnisher he called in.
The fruit of a creative process: a prototype
While this pair of sellettes is attributed to Martin Carlin, its construction and final embellishments reveal the cabinetmaker's creative thinking. The almost experimental, trial-and-error assembly of these saddles suggests that they may have served as a prototype: the upper level seems to have been designed for a marble top, before finally accommodating a blackened wooden one during the manufacturing process. Similarly, the thickness of the wood slabs behind the lacquer plates suggests that they were intended to support porcelain plates. In many of Carlin's creations, these panels could be interchanged on a regular basis: some of Martin Carlin's furniture pieces with porcelain plates have their counterparts covered in Japanese lacquer, such as the writing table in the Jones collection, in the Victorian and Albert Museum (T. Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 362), similar to the one with porcelain plates delivered to Duchess Marie Feodorovna in 1784, probably designed at the same time. What's more, the helical torso at the center of these saddles seems to have been combined, probably during construction.
This pair of sellettes also illustrates the spontaneity of the cabinetmaker's creation through a number of specific incompletions. Firstly, they are not stamped. Secondly, the cabinetmaker does not seem to have taken any aesthetic care with the interior assembly, which is not Carlin's usual practice for a construction of this quality: the wood edges have not been polished, and some traces of glue have not been removed. Finally, the choice of blackened wood rather than ebony supports the hypothesis of a unique preparatory model and the experimental nature of the creation; Carlin would not have taken the risk of using such a precious and not very malleable material for a creation whose final appearance he did not foresee exactly in advance.
These trials and errors and changes in aesthetic choices could just as well reflect the wishes or whims of a commissioning customer. He might, for example, have wanted to change the purpose of these sellettes during their manufacture, or adapt them to the changing fashions of the time. Indeed, the taste for lacquer furniture under Louis XVI developed a little later than that for porcelain plaques, more associated with the Transition period. It is therefore possible that the client wished to replace the porcelain plates initially planned, but now obsolete, with lacquer panels.
Whether or not they're a prototype model, these fifth wheels are most certainly the object of a unique, personalized order; Thibaut Wolvesperges writes of BVRB, Baumhauer and Carlin: “These three cabinet-makers produced some of the finest lacquer furniture France has left us, and it seems only natural that exceptional pieces should be made to order, to meet a customer's expectations as closely as possible, since the price of materials is too high for a dealer to take the risk of not selling the finished piece directly” (T. Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000). Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000).
The synthesis of different influences
Above all, this pair of sellettes illustrates the vital influence of merchant-merchants on Carlin's work, and more broadly, on 18th-century furniture production as a whole. As lacquer panels and porcelain plates were compulsorily purchased by merchant-merchants, they made themselves essential to cabinetmakers, providing them with precise instructions on the style and nature of the pieces ordered and thus shaping the taste of the time. Merchants' predilection for small, light, precious, rigorously constructed and feminine pieces of furniture, such as these sellettes, explains why they make up a large part of Carlin's oeuvre. In this style, a Transition period salon table stamped by Martin Carlin, covered with Japanese lacquer panels, was sold at Christie's in Paris on November 6, 2014, lot 301.
Martin Carlin worked almost exclusively for the marchands-merciers: furniture with porcelain plates, supplied by Simon-Philippe Poirier and Dominique Daguerre, represented around a third of his production, while a quarter of his work was made up of furniture decorated with lacquer panels, supplied in particular by the Darnault brothers. Through merchant-merchants, Carlin also carried out numerous commissions for Marie-Antoinette, the Count and Countess of Provence, the Count of Artois, Mesdames, Louis XV's daughters at the Château de Bellevue and the Countess du Barry. But such was the scarcity of Japanese lacquerware in the 18th century that even the great merchant-merchants found it difficult to procure; thus a gap naturally opened up within the profession, with four of them then predominating in lacquer furniture: Simon-Philippe Poirier, Dominique Daguerre the Juillots and the Darnault brothers.
But this pair of sellettes also reveals the influence of the Greek style of the 1760s-1765s on all Neoclassical furniture production. During the Transition period, excavations of the ancient cities of Herculaneum and Pompeii had a major impact in France, and the discovery of Greek and Roman remains had a lasting influence on ornamental repertoires, painting and furniture production. In 1755, Johann Joachim Winckelman published Réflexions sur l'imitation des ouvrages grecs dans la sculpture et la peinture, considered one of the first neoclassical manifestos. This led to the emergence of new pieces of furniture, such as the Athenian, evoked by our pair of saddles with their circular drum and tripod centered on a helical torso. A comparable Athenienne is painted by Joseph-Marie-Vien, in his Vertueuse Athénienne, 1762, in the Musée des Beaux-Arts, Strasbourg. Similarly, a cassolette by Pierre Gouthière, made around 1780 and housed in the Wallace Collection, London, is modelled on the construction of an Athenian and evokes our pair attributed to Carlin, with its three arched legs and central twist.
From its overall form to the detail of its bronze ornamentation, but also through the preciousness of its Japanese lacquer panels, this pair of fifth wheels corresponds in every way to the work of Martin Carlin. The experimental, trial-and-error aspect of their assembly and the spontaneity of some of their specific incompletions reveal his creative process, suggesting that they could have served as prototype models. Finally, like Carlin's work, this pair of sellettes is the fruit of the major influence of merchant-merchants, and of the more discreet influence of the Greek style of the 1760s, the foundation of all neoclassical design.
D’origine allemande, Martin Carlin (vers 1730-1785) est reçu maître ébéniste en 1766 et s’établit au faubourg Saint-Antoine, à l’enseigne du « Saint-Esprit » ou de « La Colombe ». Ses liens familiaux avec Jean-François Oeben, dont il épouse la sœur cadette, et avec Roger Van der Cruse, forgent son style. A la différence des autres ébénistes d’origine allemande et des élèves d’Oeben, Carlin ne pratique que rarement la marqueterie et préfère opposer l’or des bronzes aux surfaces émaillées polychromes des plaques de porcelaine de Sèvres ou aux fonds sombres des panneaux de laque.
Le trépied et le tambour circulaire de ces sellettes, orné de plaques « quart de cercle » alternées de médaillons ou de rosaces, sont des caractéristiques communes à un certain nombre d’œuvres de Martin Carlin, telles que deux tables chiffonnières conservées au Louvre (inv. OA 7624 et inv. OA 10467, illustrées dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 228 et 229.)
Les bronzes de ces sellettes sont également à l’image de ceux de Carlin : abondants, finement ciselés, composés d’encadrements, de guirlandes, de frises et de chutes de feuillages, de fleurs et de fruits, parfois même associés aux noms de Gouthière et Thomire. La commode de Mme Victoire du château de Bellevue et une paire d’encoignures, réalisées par Martin Carlin et conservées au Louvre, présentent les mêmes encadrements de bronze, à décor de réserves, ceintes d’oves ou de rais-de-cœurs, ainsi que des guirlandes de fleurs et de fruits enrubannées similaires, que Daniel Alcouffe considère caractéristiques de l’ébéniste. (inv. OA 5498 et inv. 5499, illustrées dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 254 et 258). Ce dernier cite comme autres particularités les chutes de feuilles d’acanthe et moulures à oves, godrons ou rosaces, que l’on retrouve sur les deux meubles mentionnés, mais aussi sur un secrétaire à abattant et un bureau de Martin Carlin au Louvre, longeant la corniche de l’un et la ceinture de l’autre. (inv. OA 11176 et inv. OA5470, illustrées dans D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 244 et 261).
Par ailleurs, la préciosité de la laque du Japon sous Louis XVI, considérée nettement supérieure à la laque de Chine, confirme l’attribution de ces sellettes à Martin Carlin. En effet, à partir des années 1730, la Compagnie des Indes orientales française ne fournit presque plus de laques japonaises d’exportation, rendant rares et couteux les panneaux de laque encore disponibles sur le marché parisien. Les marchands-merciers furent même contraints de s’en procurer chez des particuliers parisiens qui possédaient d’anciens meubles en laque. Trop onéreuses, ces laques japonaises ne pouvaient donc être achetées et employées par de simples ébénistes : aucun autre ébéniste sous Louis XVI, à part Carlin, Baumhauer et BVRB n’ont produit de meubles en laque du Japon de cette qualité. Par exemple, les panneaux de la seule commode en laque mentionnée dans l’inventaire après-décès de Martin Carlin provenaient d’un cabinet acheté 2500 livres par le marchand-mercier Darnaud lors de la vente du duc d’Aumont en 1782. La préciosité de ces laques contribua ainsi à dessiner une nette démarcation entre ces trois grands ébénistes et le reste de la profession.
A la différence de ceux de Chine, les panneaux de laque du Japon correspondaient d’ailleurs particulièrement au goût du mobilier sous Louis XVI. Inscrits à l’origine dans les surfaces réduites de tiroirs de cabinets japonais, ainsi délimités par un cadre imaginaire et comparables à de « petits tableaux », ils s’adaptent ainsi aisément au réemploi et sont parfaitement intégrables dans les étroites réserves et encadrements néoclassiques. Plus encore, les ébénistes les adaptèrent à l’esthétique française, marquée par le goût de la symétrie et l’horreur du vide : ils complétèrent au vernis certains espaces, réajustèrent certaines perspectives, compensèrent certaines asymétries et ajoutèrent certains ornements qui bien souvent n’auraient jamais trouvé place sur des panneaux orientaux. Ainsi, certaines fleurs et papillons sur les panneaux de laque de cette paire de sellettes pourraient avoir étés ajoutés par fantaisie par l’ébéniste, ou un vernisseur auquel il aurait fait appel.
Le fruit d’un processus créatif : un prototype
Si cette paire de sellettes est attribuée à Martin Carlin, elle révèle surtout, se sa construction à ses derniers ornements, la réflexion créatrice de l’ébéniste. Le montage de ces sellettes, presque expérimental et tâtonnant, suggère qu’elles auraient pu servir de prototype : le niveau supérieur semble avoir été conçu pour un plateau de marbre, avant d’en accueillir finalement un en bois noirci, au cours de la fabrication. De même, l’épaisseur des tranches de bois derrière les plaques de laque laissent penser qu’elles étaient destinées à soutenir des plaques de porcelaine. Dans de nombreuses créations de Carlin, ces panneaux pouvaient d’ailleurs régulièrement être interchangés : certains meubles dotés de plaques de porcelaine de Martin Carlin trouvent ainsi leurs homologues recouverts de laque du Japon, comme la table à écrire de la collection Jones, conservée au Victorian and Albert Museum (T. Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 362), similaire à celle dotée de plaques de porcelaine livrée à la duchesse Marie Feodorovna en 1784, probablement conçue en même temps. Plus encore, la torse hélicoïdale au centre de ces sellettes semble avoir été associée, probablement au cours de la construction.
Cette paire de sellettes illustre également, par certains inachèvements spécifiques, la spontanéité de la création de l’ébéniste. Premièrement, elles ne portent pas d’estampille. Ensuite, l’ébéniste ne semble pas avoir accordé de soin esthétique au montage intérieur, ce qui ne correspond pas à la pratique habituelle de Carlin pour une construction de telle qualité : les tranches de bois n’ont pas été polies et certaines traces de colle n’ont pas été enlevées. Enfin, le choix du bois noirci plutôt que de l’ébène appuie l’hypothèse du modèle préparatoire unique et du caractère expérimental de la création ; Carlin n’aurait en effet pas pris le risque d’utiliser un matériau si précieux et si peu malléable pour une création dont il ne prévoyait pas exactement à l’avance l’apparence finale.
Ces tâtonnements et changements de choix esthétiques pourraient aussi bien refléter les souhaits ou caprices d’un client commanditaire. Celui-ci aurait par exemple pu vouloir changer la destination de ces sellettes au cours de leur fabrication, ou encore les adapter à l’évolution de la mode de l’époque. En effet, le goût des meubles en laque sous Louis XVI se développe un peu plus tardivement que celui des plaques de porcelaine, davantage associées à la période Transition. Il est ainsi possible que le client ait souhaité remplacer les plaques de porcelaines initialement prévues, mais devenues désuètes, par des panneaux de laque.
Qu’elles soient ou non un modèle prototype, ces sellettes sont très certainement l’objet d’une commande unique et personnalisée ; Thibaut Wolvesperges écrit d’ailleurs à propos de BVRB, Baumhauer et Carlin « Ces trois ébénistes réalisèrent dans leur atelier une partie des plus beaux meubles en laque que la France nous ait laissés, il apparait normal que, pour les meubles exceptionnels, ils soient réalisés sur commande, répondant le mieux possible à l’attente d’un client, le prix des matériaux étant trop élevé pour qu’un marchand prenne le risque de ne pas vendre directement le meuble terminé» (T. Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000).
La synthèse de différentes influences
Cette paire de sellettes illustre avant tout l’influence capitale des marchands-merciers sur l’œuvre de Carlin, et plus largement, sur l’ensemble de la production de mobilier au XVIIIe siècle. Les panneaux de laque et plaques de porcelaine étant obligatoirement achetés par les marchands-merciers, ces derniers se rendent essentiels auprès des ébénistes, leur apportent des instructions précises sur le style et la nature des pièces commandées et façonnent ainsi le goût de l’époque. La prédilection des marchands-merciers pour les petits meubles légers, précieux, rigoureusement construits et féminins, comme ces sellettes, explique d’ailleurs qu’ils constituent une grande partie de l’œuvre de Carlin. Dans ce style, une table de salon d’époque Transition estampillée par Martin Carlin, recouverte de panneaux de laque du Japon, a été vendue chez Christie’s à Paris le 6 novembre 2014, lot 301. Martin Carlin n'a quasiment travaillé que pour les marchands merciers : les meubles à plaques de porcelaine, plutôt livrés par Simon-Philippe Poirier et Dominique Daguerre, représentent environ un tiers de sa production, tandis qu’un quart de son œuvre est composé de meubles ornés de panneaux de laque, en particulier fournis par les frères Darnault. C’est encore par l’intermédiaire de marchands-merciers que Carlin exécute de nombreuses commandes pour Marie-Antoinette, pour le comte et la comtesse de Provence, le comte d’Artois, Mesdames, les filles de Louis XV au château de Bellevue et la comtesse du Barry. Mais la raréfaction des laques du Japon au XVIIIe siècle était telle que même les grands marchands-merciers éprouvent des difficultés à s’en procurer ; ainsi se creuse naturellement un fossé au sein de la profession, quatre d’entre eux prédominant alors pour les meubles en laque : Simon-Philippe Poirier, Dominique Daguerre les Juillot et les frères Darnault.
Mais cette paire de sellettes révèle également l’influence du style à la grecque des années 1760-1765 sur l’ensemble de la production de mobilier néoclassique. Durant la période Transition, les fouilles des cités antiques Herculanum et Pompéi connaissent un vif retentissement en France et la découverte des vestiges grecs et romains marquent durablement les répertoires ornementaux, la création picturale et la production de mobilier. En 1755, Johann Joachim Winckelman publie Réflexions sur l’imitation des ouvrages grecs dans la sculpture et la peinture, considéré comme un des premiers manifestes néoclassiques. Ainsi se diffusent de nouvelles pièces de mobilier, comme l’athénienne, qu’évoque notre paire de sellettes par leur tambour circulaire et leur trépied centré d’une torse hélicoïdale. Une athénienne comparable est peinte par Joseph-Marie-Vien, dans sa Vertueuse Athénienne, 1762, conservée au Musée des Beaux-Arts de Strasbourg. De même, une cassolette de Pierre Gouthière, réalisée vers 1780 et conservée à la Wallace Collection de Londres, calquée sur la construction d’une athénienne, évoque en tout point notre paire attribuée à Carlin, par ses trois pieds arqués et sa torsade centrale.
De sa forme générale au détail de ses ornements en bronze, mais également par la préciosité de ses panneaux de laque du Japon, cette paire de sellettes correspond en tout point à l’œuvre de Martin Carlin. L’aspect expérimental et tâtonnant de son montage et la spontanéité de certains inachèvements spécifiques révèlent le cheminement de sa création, laissant penser qu’elles auraient pu servir de modèles prototypes. Enfin, à l’image de l’œuvre de Carlin, cette paire de sellettes est le fruit de l’influence capitale des marchands-merciers, et de celle, plus discrète, du style à la grecque des années 1760, fondateur de l’ensemble de la création néoclassique.
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A clear attribution
Of German origin, Martin Carlin (circa 1730-1785) was awarded the title of master cabinetmaker in 1766 and established himself in the Faubourg Saint-Antoine, under the sign of the “Saint-Esprit” or “La Colombe”. His family ties with Jean-François Oeben, whose younger sister he married, and with Roger Van der Cruse, forged his style. Unlike other cabinetmakers of German origin and Oeben's pupils, Carlin rarely used marquetry, preferring to contrast the gold of bronzes with the polychrome enamel surfaces of Sèvres porcelain plates or the dark backgrounds of lacquer panels.
The tripod and circular drum of these sellettes, adorned with “quarter-circle” plates alternating with medallions or rosettes, are features common to a number of Martin Carlin's works, such as two chiffonier tables in the Louvre (inv. OA 7624 and inv. OA 10467, illustrated in D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier Musée Louvre, Dijon, 1993, p. 228 and 229). Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 228 and 229).
The bronzes on these sellettes also reflect those of Carlin: abundant, finely chased, with frames, garlands, friezes and falls of foliage, flowers and fruit, sometimes even associated with the names Gouthière and Thomire. Madame Victoire's commode from the Château de Bellevue and a pair of corner chests by Martin Carlin in the Louvre feature the same bronze frames, with reserve decorations encircled by oves or rais-de-cœurs, as well as similar garlands of flowers and fruit, which Daniel Alcouffe considers characteristic of the cabinetmaker (inv. OA 5498 and inv. 5499, illustrated in D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 254 and 258).
The latter cites as other particularities the acanthus leaf falls and moldings with oves, gadroons or rosettes, found on the two pieces of furniture mentioned, but also on a flap desk and a desk by Martin Carlin in the Louvre, running along the cornice of one and the belt of the other. (inv. OA 11176 and inv. OA5470, illustrated in D. Alcouffe, A. Dion-Tenenbaum, A. Lefébure, Le Mobilier du Musée du Louvre, Dijon, 1993, p. 244 and 261).
Moreover, the preciousness of Japanese lacquer under Louis XVI, considered far superior to Chinese lacquer, confirms the attribution of these sellettes to Martin Carlin. Indeed, from the 1730s onwards, the French East India Company almost ceased to supply Japanese lacquer for export, making the lacquer panels still available on the Paris market scarce and expensive. Merchants were even forced to buy from Parisian individuals who owned old lacquer furniture. Too expensive, these Japanese lacquers could not be bought and used by simple cabinetmakers: no other cabinetmaker under Louis XVI, apart from Carlin, Baumhauer and BVRB, produced Japanese lacquer furniture of this quality. For example, the panels of the only lacquer commode mentioned in Martin Carlin's after-death inventory came from a cabinet purchased by the marchand-mercier Darnaud for 2,500 livres at the Duc d'Aumont sale in 1782. The preciousness of these lacquers thus helped to draw a clear line between these three great cabinetmakers and the rest of the profession.
In contrast to Chinese lacquer, Japanese lacquer panels were particularly suited to the furniture tastes of the Louis XVI period. Originally inscribed in the reduced drawer surfaces of Japanese cabinets, thus delimited by an imaginary frame and comparable to “little paintings”, they are easily adapted to re-use and are perfectly integrated into narrow neoclassical reserves and frames. What's more, cabinetmakers adapted them to the French aesthetic, marked by a taste for symmetry and a horror of emptiness: they filled in certain spaces with varnish, readjusted certain perspectives, compensated for certain asymmetries and added certain ornaments that would often never have found a place on oriental panels. For example, some of the flowers and butterflies on the lacquer panels of this pair of fifth wheels may have been added on a whim by the cabinetmaker, or a varnisher he called in.
In contrast to Chinese lacquer, Japanese lacquer panels were particularly suited to the furniture taste of the Louis XVI period. Originally inscribed in the small drawer surfaces of Japanese cabinets, thus delimited by an imaginary frame and comparable to “little paintings”, they are easily adapted for re-use and perfectly integrated into narrow neoclassical reserves and frames. What's more, cabinetmakers adapted them to the French aesthetic, marked by a taste for symmetry and a horror of emptiness: they filled in certain spaces with varnish, readjusted certain perspectives, compensated for certain asymmetries and added certain ornaments that would often never have found a place on oriental panels. For example, some of the flowers and butterflies on the lacquer panels of this pair of fifth wheels may have been added on a whim by the cabinetmaker, or a varnisher he called in.
The fruit of a creative process: a prototype
While this pair of sellettes is attributed to Martin Carlin, its construction and final embellishments reveal the cabinetmaker's creative thinking. The almost experimental, trial-and-error assembly of these saddles suggests that they may have served as a prototype: the upper level seems to have been designed for a marble top, before finally accommodating a blackened wooden one during the manufacturing process. Similarly, the thickness of the wood slabs behind the lacquer plates suggests that they were intended to support porcelain plates. In many of Carlin's creations, these panels could be interchanged on a regular basis: some of Martin Carlin's furniture pieces with porcelain plates have their counterparts covered in Japanese lacquer, such as the writing table in the Jones collection, in the Victorian and Albert Museum (T. Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 362), similar to the one with porcelain plates delivered to Duchess Marie Feodorovna in 1784, probably designed at the same time. What's more, the helical torso at the center of these saddles seems to have been combined, probably during construction.
This pair of sellettes also illustrates the spontaneity of the cabinetmaker's creation through a number of specific incompletions. Firstly, they are not stamped. Secondly, the cabinetmaker does not seem to have taken any aesthetic care with the interior assembly, which is not Carlin's usual practice for a construction of this quality: the wood edges have not been polished, and some traces of glue have not been removed. Finally, the choice of blackened wood rather than ebony supports the hypothesis of a unique preparatory model and the experimental nature of the creation; Carlin would not have taken the risk of using such a precious and not very malleable material for a creation whose final appearance he did not foresee exactly in advance.
These trials and errors and changes in aesthetic choices could just as well reflect the wishes or whims of a commissioning customer. He might, for example, have wanted to change the purpose of these sellettes during their manufacture, or adapt them to the changing fashions of the time. Indeed, the taste for lacquer furniture under Louis XVI developed a little later than that for porcelain plaques, more associated with the Transition period. It is therefore possible that the client wished to replace the porcelain plates initially planned, but now obsolete, with lacquer panels.
Whether or not they're a prototype model, these fifth wheels are most certainly the object of a unique, personalized order; Thibaut Wolvesperges writes of BVRB, Baumhauer and Carlin: “These three cabinet-makers produced some of the finest lacquer furniture France has left us, and it seems only natural that exceptional pieces should be made to order, to meet a customer's expectations as closely as possible, since the price of materials is too high for a dealer to take the risk of not selling the finished piece directly” (T. Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000). Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000).
The synthesis of different influences
Above all, this pair of sellettes illustrates the vital influence of merchant-merchants on Carlin's work, and more broadly, on 18th-century furniture production as a whole. As lacquer panels and porcelain plates were compulsorily purchased by merchant-merchants, they made themselves essential to cabinetmakers, providing them with precise instructions on the style and nature of the pieces ordered and thus shaping the taste of the time. Merchants' predilection for small, light, precious, rigorously constructed and feminine pieces of furniture, such as these sellettes, explains why they make up a large part of Carlin's oeuvre. In this style, a Transition period salon table stamped by Martin Carlin, covered with Japanese lacquer panels, was sold at Christie's in Paris on November 6, 2014, lot 301.
Martin Carlin worked almost exclusively for the marchands-merciers: furniture with porcelain plates, supplied by Simon-Philippe Poirier and Dominique Daguerre, represented around a third of his production, while a quarter of his work was made up of furniture decorated with lacquer panels, supplied in particular by the Darnault brothers. Through merchant-merchants, Carlin also carried out numerous commissions for Marie-Antoinette, the Count and Countess of Provence, the Count of Artois, Mesdames, Louis XV's daughters at the Château de Bellevue and the Countess du Barry. But such was the scarcity of Japanese lacquerware in the 18th century that even the great merchant-merchants found it difficult to procure; thus a gap naturally opened up within the profession, with four of them then predominating in lacquer furniture: Simon-Philippe Poirier, Dominique Daguerre the Juillots and the Darnault brothers.
But this pair of sellettes also reveals the influence of the Greek style of the 1760s-1765s on all Neoclassical furniture production. During the Transition period, excavations of the ancient cities of Herculaneum and Pompeii had a major impact in France, and the discovery of Greek and Roman remains had a lasting influence on ornamental repertoires, painting and furniture production. In 1755, Johann Joachim Winckelman published Réflexions sur l'imitation des ouvrages grecs dans la sculpture et la peinture, considered one of the first neoclassical manifestos. This led to the emergence of new pieces of furniture, such as the Athenian, evoked by our pair of saddles with their circular drum and tripod centered on a helical torso. A comparable Athenienne is painted by Joseph-Marie-Vien, in his Vertueuse Athénienne, 1762, in the Musée des Beaux-Arts, Strasbourg. Similarly, a cassolette by Pierre Gouthière, made around 1780 and housed in the Wallace Collection, London, is modelled on the construction of an Athenian and evokes our pair attributed to Carlin, with its three arched legs and central twist.
From its overall form to the detail of its bronze ornamentation, but also through the preciousness of its Japanese lacquer panels, this pair of fifth wheels corresponds in every way to the work of Martin Carlin. The experimental, trial-and-error aspect of their assembly and the spontaneity of some of their specific incompletions reveal his creative process, suggesting that they could have served as prototype models. Finally, like Carlin's work, this pair of sellettes is the fruit of the major influence of merchant-merchants, and of the more discreet influence of the Greek style of the 1760s, the foundation of all neoclassical design.