拍品专文
Max Ernst peint Universaphrodite ou Naissance d’Aphrodite après-guerre, en 1947, période agitée durant laquelle il vit en exil aux États-Unis et prépare à tâtons son retour en Europe. Détenu au début de la guerre dans le Camp des Milles, Ernst fuit en effet l'Europe en 1941 pour se réfugier aux États-Unis, où il alimente d'abord son intérêt pour la spiritualité et les traditions tribales entre les murs du Museum of Natural History et du Museum of American Indians de New York. S'il a pris le chemin de l'exil aux côtés de Peggy Guggenheim, leur mariage se délite bientôt et le peintre entame ensuite une liaison avec l'artiste Dorothea Tanning. Ensemble, ils découvrent l'Arizona dès 1943 ; le désert les séduit à tel point qu'ils retournent à Sedona en 1946 pour y faire construire une maison et un atelier.
Le bonheur de cette parenthèse en terres rouges transparaît sans aucun doute dans la présente œuvre, marquée par la longue fascination d'Ernst pour les peuples, la culture et l'art précolombiens et à fortiori les masques amérindiens, très appréciés des avant-gardes. Représentations de créatures hybrides, leurs infinies possibilités de métamorphose résonnaient en effet avec la pensée surréaliste autant que leurs formes composites, assemblées à la manière d'un collage, répondaient aux recherches formelles du mouvement.
Par une approche invraisemblable de l'espace, alliée à des juxtapositions d'images incongrues, Ernst donne ici à voir un univers onirique empreint de mystère. Percutante, la présente composition témoigne non seulement de l'impact de son séjour en territoire apache, dans le désert mexicain de Sonora, mais résonne aussi avec certaines de ses premières expérimentations artistiques. Cendré, poudreux, l'arrière-plan du présent tableau renvoie à bien des égards au désert situé autour de la demeure d'Ernst en Arizona, un souvenir rendu plus vif encore par les nuances terreuses d'ocre, de jaune, de bleu et de gris. La symétrie de la composition pourrait évoquer, quant à elle, les planches de Rorschach et, par la même, l'intérêt précoce d'Ernst pour la psychologie. Avec sa mystérieuse figure totémique qui vient flotter librement sur un fond vaporeux, cette œuvre rappelle par ailleurs les toutes premières peintures d'Ernst, chargées de symboliques liées à la sexualité (Les Hommes n’en sauront rien, 1923, Tate, Liverpool). D'un désert aride émanent ici d'étranges protubérances suggestives, comme autant de pièces détachées d'un corps humain androgyne ; en guise de visage, deux formes cyclopéennes semblent nous fixer du regard, tandis que le tronc de la créature évoque un torse et un bassin de femme morcelés. Explicites, les connotations sexuelles sont soulignées par le titre de l'œuvre, « Universaphrodite » ; en découle, semble-t-il, quelque chose de profondément freudien. Dans Le Surréalisme et la peinture (Paris, 1928), Breton évoquait d'ailleurs les « rapports médicaux » dont Ernst s'inspirait volontiers pour élaborer ses œuvres. L'artiste avait étudié la philosophie et la psychologie à l'Université de Bonn entre 1909 et 1914 et, en 1913, il avait notamment lu deux ouvrages de Freud, L'Interprétation des rêves et Le Mot d'esprit et sa relation à l'inconscient – des lectures dont il avait fait part à Werner Spies. Aussi, celui-ci estimait-il que l'« on ne soulignera jamais assez l'importance de ce point de départ pour Max Ernst ; sa connaissance de Freud lui permit d'analyser sa propre personnalité et de dompter les associations d'idées qui submergeaient son inconscient » (cité in W. Spies, Max Ernst, New York, 1971, p. 53).
Exécutée en 1947, ce n'est que plus tard, et après de nombreuses hésitations, qu'Ernst décida du sens final à donner à son œuvre. Le changement de sens procurait, selon lui, un caractère plus dérangeant à son œuvre, qu'il ne signa qu'a posteriori.
La présente œuvre figurait dans la collection de Man Ray avant qu’Inna et Boris Salomon n’en fassent l’acquisition.
Painted in 1947, Universaphrodite or Naissance d’Aphrodite was painted at a time of huge change for Max Ernst, as he tentatively returned to post-war Europe after a twelve-year exile in America. Having fled internment in the French Camp des Milles for the refuge in the United States in 1941, Ernst's interest in the spiritual and tribal continued as he frequented the Museum of Natural History and the Museum of American Indians in New York. During the disintegration of the artist's marriage to Peggy Guggenheim, with whom he had immigrated to New York, he became involved with fellow artist Dorothea Tanning and travelled with her to Arizona in 1943. The couple were so captivated by the Sedona desert that they returned there in 1946 to build their own house and studio.
The happy years spent in Arizona were undoubtedly integral to the present work, cementing the artist's keen interest in Native American art and culture. Like many other members of the Surrealist movement, Ernst had long been interested in Native American art, in particular in their masks. Such biomorphic hybrids and their capacity for metamorphosis were as congenial to the Surrealist philosophy as their composite, collage-like character was to the formal concerns of the movement.
By an irrational use of space and of strange conjunctions, Ernst evokes here a mysterious dream-world. This powerful composition shows strong influences from his time amongst Native Americans in the Sedona desert and recalls some of the artist's earliest interests. In the present painting, the sandy ground echoes the desert of Ernst's Arizona home, a memory reinforced by the earthy tones of ochre, yellow, blue and grey whilst its symmetry reminds the viewer perhaps of a Rorschach image, alluding to Ernst's early interest in psychology. The present work that depicts a mysterious totemic figure, floating untethered within a hazy background, recalls also the artist’s earliest works, referring to sexual symbolism (Les Hommes n’en sauront rien, 1923, Tate Liverpool). From an arid desert rise strange protuberances, suggestive of ambisexual bodies: two eye-like faces peer at us, while the torso of the creature resembles a carved-up woman’s pelvis. The explicit sexual symbolism is reinforced by the title of the work given by the artist: 'Universaphrodite’. Hence it is not surprising that a Freudian basis for this composition could be postulated. In Le Surréalisme et la Peinture (1928), Breton refers to Ernst's use of 'certain medical reports' as source material for his art. Max Ernst had studied philosophy and psychology at the University of Bonn from 1909 to 1914. In 1913 he had read Freud's The Interpretation of Dreams and Wit and its Relation to the Unconscious, as he himself told Werner Spies, who adds: “One cannot overstress the importance of this point of departure for Max Ernst; his knowledge of Freud enabled him to analyze his own personality and to keep under control the associations that thronged his unconscious” (quoted in W. Spies, Max Ernst, New York, 1971, p. 53).
Executed in 1947, it was only later, and after much hesitation, that Ernst decided on the final meaning to be given to his work. He felt that the change of meaning gave his work a more disturbing character, which he did not sign until afterwards.
This work was in Man Ray's collection before Inna et Boris Salomon acquired it.
Le bonheur de cette parenthèse en terres rouges transparaît sans aucun doute dans la présente œuvre, marquée par la longue fascination d'Ernst pour les peuples, la culture et l'art précolombiens et à fortiori les masques amérindiens, très appréciés des avant-gardes. Représentations de créatures hybrides, leurs infinies possibilités de métamorphose résonnaient en effet avec la pensée surréaliste autant que leurs formes composites, assemblées à la manière d'un collage, répondaient aux recherches formelles du mouvement.
Par une approche invraisemblable de l'espace, alliée à des juxtapositions d'images incongrues, Ernst donne ici à voir un univers onirique empreint de mystère. Percutante, la présente composition témoigne non seulement de l'impact de son séjour en territoire apache, dans le désert mexicain de Sonora, mais résonne aussi avec certaines de ses premières expérimentations artistiques. Cendré, poudreux, l'arrière-plan du présent tableau renvoie à bien des égards au désert situé autour de la demeure d'Ernst en Arizona, un souvenir rendu plus vif encore par les nuances terreuses d'ocre, de jaune, de bleu et de gris. La symétrie de la composition pourrait évoquer, quant à elle, les planches de Rorschach et, par la même, l'intérêt précoce d'Ernst pour la psychologie. Avec sa mystérieuse figure totémique qui vient flotter librement sur un fond vaporeux, cette œuvre rappelle par ailleurs les toutes premières peintures d'Ernst, chargées de symboliques liées à la sexualité (Les Hommes n’en sauront rien, 1923, Tate, Liverpool). D'un désert aride émanent ici d'étranges protubérances suggestives, comme autant de pièces détachées d'un corps humain androgyne ; en guise de visage, deux formes cyclopéennes semblent nous fixer du regard, tandis que le tronc de la créature évoque un torse et un bassin de femme morcelés. Explicites, les connotations sexuelles sont soulignées par le titre de l'œuvre, « Universaphrodite » ; en découle, semble-t-il, quelque chose de profondément freudien. Dans Le Surréalisme et la peinture (Paris, 1928), Breton évoquait d'ailleurs les « rapports médicaux » dont Ernst s'inspirait volontiers pour élaborer ses œuvres. L'artiste avait étudié la philosophie et la psychologie à l'Université de Bonn entre 1909 et 1914 et, en 1913, il avait notamment lu deux ouvrages de Freud, L'Interprétation des rêves et Le Mot d'esprit et sa relation à l'inconscient – des lectures dont il avait fait part à Werner Spies. Aussi, celui-ci estimait-il que l'« on ne soulignera jamais assez l'importance de ce point de départ pour Max Ernst ; sa connaissance de Freud lui permit d'analyser sa propre personnalité et de dompter les associations d'idées qui submergeaient son inconscient » (cité in W. Spies, Max Ernst, New York, 1971, p. 53).
Exécutée en 1947, ce n'est que plus tard, et après de nombreuses hésitations, qu'Ernst décida du sens final à donner à son œuvre. Le changement de sens procurait, selon lui, un caractère plus dérangeant à son œuvre, qu'il ne signa qu'a posteriori.
La présente œuvre figurait dans la collection de Man Ray avant qu’Inna et Boris Salomon n’en fassent l’acquisition.
Painted in 1947, Universaphrodite or Naissance d’Aphrodite was painted at a time of huge change for Max Ernst, as he tentatively returned to post-war Europe after a twelve-year exile in America. Having fled internment in the French Camp des Milles for the refuge in the United States in 1941, Ernst's interest in the spiritual and tribal continued as he frequented the Museum of Natural History and the Museum of American Indians in New York. During the disintegration of the artist's marriage to Peggy Guggenheim, with whom he had immigrated to New York, he became involved with fellow artist Dorothea Tanning and travelled with her to Arizona in 1943. The couple were so captivated by the Sedona desert that they returned there in 1946 to build their own house and studio.
The happy years spent in Arizona were undoubtedly integral to the present work, cementing the artist's keen interest in Native American art and culture. Like many other members of the Surrealist movement, Ernst had long been interested in Native American art, in particular in their masks. Such biomorphic hybrids and their capacity for metamorphosis were as congenial to the Surrealist philosophy as their composite, collage-like character was to the formal concerns of the movement.
By an irrational use of space and of strange conjunctions, Ernst evokes here a mysterious dream-world. This powerful composition shows strong influences from his time amongst Native Americans in the Sedona desert and recalls some of the artist's earliest interests. In the present painting, the sandy ground echoes the desert of Ernst's Arizona home, a memory reinforced by the earthy tones of ochre, yellow, blue and grey whilst its symmetry reminds the viewer perhaps of a Rorschach image, alluding to Ernst's early interest in psychology. The present work that depicts a mysterious totemic figure, floating untethered within a hazy background, recalls also the artist’s earliest works, referring to sexual symbolism (Les Hommes n’en sauront rien, 1923, Tate Liverpool). From an arid desert rise strange protuberances, suggestive of ambisexual bodies: two eye-like faces peer at us, while the torso of the creature resembles a carved-up woman’s pelvis. The explicit sexual symbolism is reinforced by the title of the work given by the artist: 'Universaphrodite’. Hence it is not surprising that a Freudian basis for this composition could be postulated. In Le Surréalisme et la Peinture (1928), Breton refers to Ernst's use of 'certain medical reports' as source material for his art. Max Ernst had studied philosophy and psychology at the University of Bonn from 1909 to 1914. In 1913 he had read Freud's The Interpretation of Dreams and Wit and its Relation to the Unconscious, as he himself told Werner Spies, who adds: “One cannot overstress the importance of this point of departure for Max Ernst; his knowledge of Freud enabled him to analyze his own personality and to keep under control the associations that thronged his unconscious” (quoted in W. Spies, Max Ernst, New York, 1971, p. 53).
Executed in 1947, it was only later, and after much hesitation, that Ernst decided on the final meaning to be given to his work. He felt that the change of meaning gave his work a more disturbing character, which he did not sign until afterwards.
This work was in Man Ray's collection before Inna et Boris Salomon acquired it.