拍品专文
Christie's Paris est fier de proposer une œuvre si emblématique du travail de Conrad Felixmüller : un grand tableau à double face, au recto duquel figure un autoportrait saisissant. L'artiste allemand y apparaît à son chevalet, plongé dans son travail tandis que son fils cadet, Titus, se promène à quatre pattes autour de lui. Cette composition date de 1922, tandis que le verso voit le jour en 1934 et figure à nouveau Titus, en adolescent cette fois, jouant de la flûte dans la cuisine familiale à Berlin douze ans plus tard. La divergence des deux approches est peut-être ce qu'il y a de plus frappant dans cette œuvre qui reflète parfaitement la transformation radicale du style de Felixmüller à partir du milieu des années 1920, à mesure qu'il s'éloigne de l'expressionnisme pour adopter un réalisme qu'il consolidera au fil des années 1930. Les deux faces incarnent aussi deux époques bien distinctes de la vie du peintre : le recto renvoie à la période de Dresde où l'artiste baigne dans l'effervescence des avant-gardes allemandes, alors que le verso est conçu dans le Berlin nazi, deux ans seulement avant l'Exposition de l'art dit « dégénéré » (« Entartete Kunst ») en 1937.
Felixmüller est l'un des chefs de file de celle que l'on nomme parfois la « seconde génération » d'expressionnistes, dont les travaux respirent l'élan révolutionnaire qui secoue l'Allemagne après la Grande Guerre. La présente œuvre constitue un fabuleux exemple des (auto)portraits de famille que l'artiste réalise alors. Ceux-ci restent ses travaux les plus remarquables et les plus reconnus, au même titre que ses célèbres scènes ouvrières de la région minière de la « Ruhrgebiet », également conçues au début des années 1920. Loin de l'intensité angoissante qui émane des visions de détresse et de dénuement de la Ruhr, la vie de famille idyllique que dépeint Felixmüller affiche un autre monde possible : un monde comme le sien, où l'harmonie et les valeurs simples règnent sur la vie du travailleur.
Fils d'un forgeron industriel, en 1981 Felixmüller épouse une aristocrate, la baronne Londa Frelin von Berg, avec laquelle il connaîtra un mariage long et heureux. Militant de gauche et pacifiste invétéré, le peintre rejoint le Parti communiste d'Allemagne en 1918, dont il restera membre jusqu'en 1926. Dans Der Kindermaler, il se représente en homme modeste et travailleur – une frugalité que l'on retrouve dans Selbstbild (Kopf), un autoportrait exécuté la même année et très semblable à celui-ci, vendu à Christie's Londres en mars 2021 pour plus de 700 000 livres malgré son format deux fois plus réduit. Ces deux tableaux sont tout à fait caractéristiques des autoportraits exubérants de cette période, dans lesquels Felixmüller se montre à l'œuvre, absorbé et contemplatif. C'est avec toute la singularité de sa manière expressionniste qu'il apparaît ici, à peindre sans se laisser distraire par la présence de son fils. Sa force de concentration est rendue plus palpable encore par la place disproportionnée qu'occupe Titus au premier plan, démesurément grand par rapport à son père assis derrière lui. Sa chemise à carreaux bleus et blancs et son teint orange vif font d'autant plus ressortir l'enfant et viennent illuminer l'ensemble. Bien qu'elle résonne avec celle du recto, la palette du verso reste, en revanche, bien plus estompée. Les contrastes de couleurs y sont moindres, et la composition plus classique, Felixmüller renouant ici avec une perspective et une mise en scène traditionnelles. L'atmosphère générale de la toile de 1934 s'avère plus douce, plus calme aussi, malgré le chant de la flûte. En émane une sensation de confort, d'intimité et de plénitude, une image de foyer épanoui que vient souligner, dans l'angle inférieur gauche, ce chat faisant sa toilette sous un panier d'œufs frais. Heureux de son mode de vie simple et engageant, Felixmüller a cherché à exprimer tout un idéal populaire à travers ces scènes domestiques à la fois sincères, intimes et porteuses, espérait-il, d'un message politique positif.
Christie’s Paris is proud to offer such a seminal work by German artist Conrad Felixmüller, a large double-sided painting representing on the front, the artist frenetically working on a painting on his easel whilst his younger son, Titus, is crawling around him. This composition is dated 1922 whilst the reverse of the work was executed in 1934 and once again depicts Titus, this time aged twelve years old than on the recto, who is seen practicing flute in the family’s kitchen in Berlin. What stands out from this work are precisely the striking contrasts between both sides, embodying Felixmüller’s stylistic shift from Expressionism to Realism in the second half of the 1920s and reaffirmed in the 1930s. On another level, the differences between the painting’s two sides also incarnate two distinctive periods of Felixmüller’s life: the recto dates from when he was living in Dresden at the heart of German avant-gardism whilst the verso was executed in Nazi Berlin, only a couple of years before the 1937 plundering of so-called ‘Entartete Kunst’.
Felixmüller is one of the leading figures in what is sometimes called the 'second generation' of Expressionists whose work coalesced around the revolutionary period in Germany following the First World War. Together with his much-celebrated portraits of daily life in the mining district of the Ruhrgebiet in the early 1920s, it is Felixmüller's portraits of himself and his family from this same period that constitute his best-known and most important body of work, as beautifully exemplified in the present work. Representing a counterbalance to the powerful yet depressing scenes of hardship and depravation found in his Ruhr pictures, Felixmüller's portraits of his family and the idyll of his home-life were intended to provide a positive alternative: one that proclaimed the simple value and harmony of his own progressive proletarian lifestyle.
Son of an industrial blacksmith, Felixmüller married the aristocrat baroness Londa Freiin von Berg in 1918 and would enjoy a long and happy marriage. A fierce opponent of the war and a committed socialist, Felixmüller had joined the German Communist party in 1918 and remained a member until 1926. We find Felixmüller represented as a simple man and proletarian in Der Kindermaler, as well as in another self-portrait of the same date, which is very similar to the present one, Selbstbild (Kopf) sold at Christie’s London in March 2021 for more than £700,000 despite being half the size. Both works are characteristic of Felixmuller’s dramatic self-images from this period that depict the artist absorbed in the act of painting and observing. Characteristic of his Expressionist style, the way in which he focuses on his easel in the present work, undisturbed by his son’s presence, is amplified by Titus’ prominence in the foreground, intently and disproportionately big in comparison to his father behind him. Titus further stands out in the frontal composition with his checkered white and blue shirt and his bright orange complexion, illuminating the scene. Although the palette of the painting’s reverse somewhat echoes that of the front, it is much more muted. There are less colour contrasts, the composition is more classical in that Felixmüller goes back to a traditional perspective and framing of the scene. The atmosphere of the 1934 painting is overall calmer, quieter despite the flute’s tunes, and there is a sense of cosiness and of a balanced family well settled-in their home, with the cat licking itself in the lower left quadrant under a basket full of fresh eggs. Proud of this idyllic and simple home life, Felixmüller sought, through such emphatically honest and direct portraiture of him and his loved ones to conjure a proletarian ideal that would, he hoped, carry a positive, political message.
Felixmüller est l'un des chefs de file de celle que l'on nomme parfois la « seconde génération » d'expressionnistes, dont les travaux respirent l'élan révolutionnaire qui secoue l'Allemagne après la Grande Guerre. La présente œuvre constitue un fabuleux exemple des (auto)portraits de famille que l'artiste réalise alors. Ceux-ci restent ses travaux les plus remarquables et les plus reconnus, au même titre que ses célèbres scènes ouvrières de la région minière de la « Ruhrgebiet », également conçues au début des années 1920. Loin de l'intensité angoissante qui émane des visions de détresse et de dénuement de la Ruhr, la vie de famille idyllique que dépeint Felixmüller affiche un autre monde possible : un monde comme le sien, où l'harmonie et les valeurs simples règnent sur la vie du travailleur.
Fils d'un forgeron industriel, en 1981 Felixmüller épouse une aristocrate, la baronne Londa Frelin von Berg, avec laquelle il connaîtra un mariage long et heureux. Militant de gauche et pacifiste invétéré, le peintre rejoint le Parti communiste d'Allemagne en 1918, dont il restera membre jusqu'en 1926. Dans Der Kindermaler, il se représente en homme modeste et travailleur – une frugalité que l'on retrouve dans Selbstbild (Kopf), un autoportrait exécuté la même année et très semblable à celui-ci, vendu à Christie's Londres en mars 2021 pour plus de 700 000 livres malgré son format deux fois plus réduit. Ces deux tableaux sont tout à fait caractéristiques des autoportraits exubérants de cette période, dans lesquels Felixmüller se montre à l'œuvre, absorbé et contemplatif. C'est avec toute la singularité de sa manière expressionniste qu'il apparaît ici, à peindre sans se laisser distraire par la présence de son fils. Sa force de concentration est rendue plus palpable encore par la place disproportionnée qu'occupe Titus au premier plan, démesurément grand par rapport à son père assis derrière lui. Sa chemise à carreaux bleus et blancs et son teint orange vif font d'autant plus ressortir l'enfant et viennent illuminer l'ensemble. Bien qu'elle résonne avec celle du recto, la palette du verso reste, en revanche, bien plus estompée. Les contrastes de couleurs y sont moindres, et la composition plus classique, Felixmüller renouant ici avec une perspective et une mise en scène traditionnelles. L'atmosphère générale de la toile de 1934 s'avère plus douce, plus calme aussi, malgré le chant de la flûte. En émane une sensation de confort, d'intimité et de plénitude, une image de foyer épanoui que vient souligner, dans l'angle inférieur gauche, ce chat faisant sa toilette sous un panier d'œufs frais. Heureux de son mode de vie simple et engageant, Felixmüller a cherché à exprimer tout un idéal populaire à travers ces scènes domestiques à la fois sincères, intimes et porteuses, espérait-il, d'un message politique positif.
Christie’s Paris is proud to offer such a seminal work by German artist Conrad Felixmüller, a large double-sided painting representing on the front, the artist frenetically working on a painting on his easel whilst his younger son, Titus, is crawling around him. This composition is dated 1922 whilst the reverse of the work was executed in 1934 and once again depicts Titus, this time aged twelve years old than on the recto, who is seen practicing flute in the family’s kitchen in Berlin. What stands out from this work are precisely the striking contrasts between both sides, embodying Felixmüller’s stylistic shift from Expressionism to Realism in the second half of the 1920s and reaffirmed in the 1930s. On another level, the differences between the painting’s two sides also incarnate two distinctive periods of Felixmüller’s life: the recto dates from when he was living in Dresden at the heart of German avant-gardism whilst the verso was executed in Nazi Berlin, only a couple of years before the 1937 plundering of so-called ‘Entartete Kunst’.
Felixmüller is one of the leading figures in what is sometimes called the 'second generation' of Expressionists whose work coalesced around the revolutionary period in Germany following the First World War. Together with his much-celebrated portraits of daily life in the mining district of the Ruhrgebiet in the early 1920s, it is Felixmüller's portraits of himself and his family from this same period that constitute his best-known and most important body of work, as beautifully exemplified in the present work. Representing a counterbalance to the powerful yet depressing scenes of hardship and depravation found in his Ruhr pictures, Felixmüller's portraits of his family and the idyll of his home-life were intended to provide a positive alternative: one that proclaimed the simple value and harmony of his own progressive proletarian lifestyle.
Son of an industrial blacksmith, Felixmüller married the aristocrat baroness Londa Freiin von Berg in 1918 and would enjoy a long and happy marriage. A fierce opponent of the war and a committed socialist, Felixmüller had joined the German Communist party in 1918 and remained a member until 1926. We find Felixmüller represented as a simple man and proletarian in Der Kindermaler, as well as in another self-portrait of the same date, which is very similar to the present one, Selbstbild (Kopf) sold at Christie’s London in March 2021 for more than £700,000 despite being half the size. Both works are characteristic of Felixmuller’s dramatic self-images from this period that depict the artist absorbed in the act of painting and observing. Characteristic of his Expressionist style, the way in which he focuses on his easel in the present work, undisturbed by his son’s presence, is amplified by Titus’ prominence in the foreground, intently and disproportionately big in comparison to his father behind him. Titus further stands out in the frontal composition with his checkered white and blue shirt and his bright orange complexion, illuminating the scene. Although the palette of the painting’s reverse somewhat echoes that of the front, it is much more muted. There are less colour contrasts, the composition is more classical in that Felixmüller goes back to a traditional perspective and framing of the scene. The atmosphere of the 1934 painting is overall calmer, quieter despite the flute’s tunes, and there is a sense of cosiness and of a balanced family well settled-in their home, with the cat licking itself in the lower left quadrant under a basket full of fresh eggs. Proud of this idyllic and simple home life, Felixmüller sought, through such emphatically honest and direct portraiture of him and his loved ones to conjure a proletarian ideal that would, he hoped, carry a positive, political message.