Piero Manzoni (1933-1963)
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PROVENANT DE LA COLLECTION D'UNE AMATRICE
Piero Manzoni (1933-1963)

Achrome

Details
Piero Manzoni (1933-1963)
Achrome
kaolin sur toiles cousues
50 x 39.5 cm.
Exécuté en 1959-1960

kaolin on sewn canvas
19 ¾ x 15 ½ in.
Executed in 1959-1960
Provenance
Galleria Notizie, Turin.
Collection Forchino, Italie.
Galleria dei Mille, Bergame.
Galleria Marilena Bonomo, Bari.
Collection particulière, Europe (acquis dans les années 1980).
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
G. Celant, Piero Manzoni Catalogo generale, Milan, 1975, no. 34 tcp (illustré, p. 196; daté '1960').
F. Battino, L. Palazzoli, Piero Manzoni catalogue raisonné, Milan, 1991, p. 350, no. 635 BM (illustré, p. 350; daté '1960').
G. Celant, Piero Manzoni Catalogo generale, Milan, 2004, vol. I, p. 245 (illustré en couleurs, p. 246); vol. II, p. 495, no. 660 (illustré, p. 494).
Exhibited
Turin, Galleria Notizie, Aspetti dell’avanguardia in Italia, 1966 (illustré dans la brochure).

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Lot Essay

« En ce qui concerne mes tableaux récents, j'utilise désormais des machines à coudre grâce auxquelles j'obtiens des effets surprenants » - Piero Manzoni

Autrefois conservée dans la collection particulière de l'illustrateur argentin Guillermo Forchino, cette œuvre de 1959-1960 est un spécimen exceptionnel de la célèbre série d'Achromes en tissu de Piero Manzoni. Ce tableau-relief monochrome est composé d'un patchwork de trente carrés imparfaits qui forment une grille rectangulaire. Enduite d'un léger voile de kaolin, la surface quadrillée de la toile est parcourue de fines coutures dont les lignes fondent un envoûtant réseau de saillies et de rainures. Avec leur fascinante présence incolore et leurs surprenantes textures, les Achromes constituent sans aucun doute la série la plus visionnaire et la plus emblématique de Piero Manzoni. Entamé en 1957 et poursuivi jusqu'à la mort prématurée de l'artiste en 1963, à l'âge de vingt-neuf ans seulement, cet ensemble revendique l'autonomie absolue de l'objet d'art: enfin libérée des carcans de la représentation, avec les Achromes, la toile se suffit désormais à elle seule et devient le contenu-même (et non le contenant) de l'œuvre. Tandis que les peintres d'action de l'Expressionnisme Abstrait de l'autre côté de l'Atlantique déchaînaient des démonstrations audacieuses de gestes et d'émotions dans leurs œuvres, Manzoni soutenait que la peinture devait rester une «zone de liberté» immaculée, enfermant des «images aussi absolues que possibles, qui ne peuvent être évaluées selon ce qu'elles évoquent, expliquent ou expriment, sinon selon ce qu'elles sont: existantes» (P. Manzoni in G. Celant, Piero Manzoni Catalogo Generale, Milan, 2004, p. LIII).

Artiste autodidacte, Manzoni débute sa carrière au sein du groupe milanais de l'Art Nucléaire, dans le giron duquel il produit des tableaux associant éléments de texte, symboles abstraits et peinture automatique. Son expression se radicalise toutefois en 1957, lorsqu'il découvre les monochromes d'Yves Klein à la Galleria Apollinaire de Milan, où se tient l'historique exposition «Proposte monochrome, epoca blu» qui marque le commencement de la fameuse «période bleue» de l'artiste français. Manzoni est profondément touché par la vibration de ces tableaux bleu outremer qui ne semblent exister que par et pour eux-mêmes. Libres d'allusions à l'espace, au temps, au monde tangible ou à la notion d'auteur, ils s'imposent, aux yeux de l'Italien, comme l'expression pure d'une idée d'infini et d'immatérialité, aux forts accents mystiques.

Cette manière inédite d'appréhender la peinture soulève chez Manzoni de nombreuses interrogations: «Pourquoi ne pas plutôt vider ce réceptacle? Pourquoi ne pas libérer cette surface?» (P. Manzoni, ‘Free Dimension’, Azimuth, no. 2, 1960, p. 20). En réponse à l'exposition d'Yves Klein, il revoit entièrement sa démarche plastique dans les mois qui suivent. Peu à peu, l'Italien débarrasse ses tableaux de tout détail figuratif, de toute volonté narrative et de toute couleur, pour n'en conserver que l'essence neutre, «achrome». Il mène bientôt ses premières recherches avec le kaolin: une argile blanche utilisée dans la fabrication de la porcelaine, dont il recouvre volontiers ses œuvres, jouant sur les effets des coulures séchées et des fines pellicules que laisse l'enduit sur la toile plissée, froissée, ruchée. Il se met aussi à travailler la toile brute, et à y intégrer parfois des matériaux peu orthodoxes comme la fourrure de lapin, la laine de coton ou la fibre de verre. Ces Achromes qui se contentent d'affirmer leur simple présence matérielle dans l'espace s'érigent très vite parmi les œuvres les plus innovantes des avant-gardes italiennes d'après-guerre, aux côtés des Tagli de Lucio Fontana, des Gobbi d'Alberto Burri ou des Superfici d'Enrico Castellani.

« Une surface blanche qui n'est qu'une surface blanche et rien d'autre. » - Piero Manzoni

Manzoni varie constamment les matières et les formats de ses Achromes à la fin de sa carrière, comme pour souligner les potentialités infinies rencontrées dans leurs abîmes incolores. Cette œuvre – une simple toile tendue, sillonnée de coutures verticales et horizontales – évoque certains des principes fondateurs de l'art (et de l'objet) moderne : la standardisation, la grille, la modularité. À partir de 1959, Manzoni se met à piquer ses surfaces à l'aide de machines à coudre, renforçant encore ce dialogue avec la production industrielle et l'idée d'uniformisation, dans une Italie en plein boum économique. Il qualifiera plus tard d'«armature des Achromes» ces œuvres «quadrillées», conçues à l'origine pour une importante exposition personnelle à Rotterdam, à l'automne 1958. Ici, trente carreaux blancs revendiquent leur saisissante et inviolable complétude. Affranchi de tout artifice et ornement, cet Achrome de Manzoni vient proclamer l'avènement d'une peinture d'un nouveau genre, qui ne serait plus que surface et matière; un art qui aurait, au fond, pour seule vocation «d'exister» (P. Manzoni, ibid, p. 20).


''As for my current paintings, I am now using sewing machines and I am able to obtain surprising effects.'' - Piero Manzoni

Previously held in the collection of Argentinian comic artist Guillermo Forchino, the present work is an exquisite example of Piero Manzoni’s fabric Achromes that dates from 1959-60. The canvas is sewn along five columns and six rows to create a gridded patchwork of thirty imperfect squares. Its surface is a shallow, monochrome relief and, lightly coated in liquid kaolin, its fine seams form a mesmerising pattern of ridges and grooves. The Achromes —pristine, tactile, and visionary—are Manzoni’s defining body of work. Begun in 1957 and continued until his premature death at the age of twenty-nine in 1963, they asserted a new, self-determining existence for art: one in which the canvas no longer carried the burden of representation, but constituted the image in and of itself. While Abstract Expressionist action painters across the Atlantic unleashed bold displays of gesture and emotion in their works, Manzoni maintained that painting should be a pristine ‘zone of freedom’, bearing ‘images that are as absolute as possible, which cannot be valued for that they recall, explain, express, but only insomuch as they are: being’ (P. Manzoni, quoted in G. Celant, Piero Manzoni Catalogo Generale, Milan 2004, p. LIII).

Manzoni was self-taught as an artist, and spent the early years of his career associated with the Nuclear Art group in Milan painting compositions that combined text and abstract symbolism with automatic techniques. He landed upon his signature concept in 1957 when he visited Yves Klein’s Proposte monochrome, epoca blu at the Galleria Apollinaire in Milan—the landmark exhibition in which the French artist inaugurated the beginning of his blue period and debuted eleven blue monochrome canvases. Manzoni was greatly inspired by the appearance of these paintings, which seemed to exist entirely of their own accord. They bore no relation to time, authorship, or the physical world and captured instead a mystical sense of the infinite and immaterial.

Later that same year, Manzoni would refine the elements of his own painting: slowly eliminating their figurative details, narrative elements, and colour. ‘Why not empty, instead, this recipient?’ he questioned. ‘Why not liberate the surface?’ (P. Manzoni, ‘Free Dimension’, Azimuth, no. 2, 1960, p. 20). He discovered kaolin—a chalky white china clay used to manufacture porcelain—and admired the effect of its dried drips and washes over ruched, wrinkled, and pleated canvas. Other examples would be made of uncoated canvas, or in materials including white rabbit fur, cotton wool, glass fibre. The Achromes stand as self-sufficient statements of their own materiality and take their place alongside the works of Italy’s pioneering post-war artists: from Lucio Fontana’s Tagli and Alberto Burri’s Gobbi to Enrico Castellani’s Superfici.

''Just a white surface that is simply a white surface and nothing else.'' - Piero Manzoni

The formats of Manzoni’s Achromes seemed to evolve interminably throughout the final years of his career, as though testament to the limitless possibilities he discovered in their colourless abysses. The present work, a single sheet of canvas delineated by vertical and horizontal seams, invokes the presiding formal structures of Modernism: the grid, standardisation, modularity. From 1959, Manzoni switched to stitching his seams with a sewing machine, strengthening this dialogue with industrialism and the mass production of Italy’s burgeoning post-war economy. He would later refer to this gridded type, which was initially conceived for a significant solo show in Rotterdam in late 1958, as the ‘raster of the Achromes’. Here, thirty white squares assert their own striking totality. Washed clean of artifice and decoration, the present work proclaims a new era of painting as pure surface, pure material; for whose value and purpose ‘it is only necessary to exist’ (P. Manzoni, ibid, p. 20).

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