Joan Mitchell (1925-1992)
Joan Mitchell (1925-1992)
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PROVENANT DE LA COLLECTION JACQUES DUBOURG, PARIS
Joan Mitchell (1925-1992)

Sans titre

Details
Joan Mitchell (1925-1992)
Sans titre
signé 'J. mitchell' (en bas à droite)
huile sur toile
95 x 90.6 cm.
Peint vers 1960

signed ''J. mitchell' (lower right)
oil on canvas
37 3⁄8 x 35 5⁄8 in.
Painted circa 1960
Provenance
L'artiste.
Jacques Dubourg, Paris.
Puis par descendance au propriétaire actuel.
Literature
M. Seuphor, Abstract Painting: Fifty Years of Accomplishment, from Kandinsky to the Present. New York, 1962, p. 185, no. 111 (illustré en couleurs; date erronée).

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Lot Essay

« La peinture est un moyen de se sentir “vivant”. ... La musique prend du temps à écouter et se termine, l’écriture prend du temps et se termine, les films se terminent, les idées et même la sculpture prennent du temps. Ce n’est pas le cas de la peinture. Elle ne se termine jamais, c’est la seule chose qui soit à la fois continue et immobile. » - Joan Mitchell

Untitled (1960) de Joan Mitchell est un maelström de couleurs et de lignes savamment orchestré. Des pigments à l’huile bleu foncé, noir, sarcelle, terre cuite, olive, crème et bordeaux dégoulinent, forment des boucles, s’élèvent et s’écrasent sur une toile d’une pâle blancheur qui s’étend sur près d’un mètre de hauteur. Sa vigueur tempétueuse reflète un moment charnière dans la pratique de l’artiste. En effet, en 1959, Mitchell s’installe à Paris dans un vaste atelier situé au 10, rue Frémicourt, dans le 15e arrondissement, qu’elle partage avec le peintre français Jean-Paul Riopelle. C’est là que sa pratique de l’abstraction franchit un nouveau palier en faveur du lyrisme sans limite qui caractérisera désormais son œuvre. Ses coups de pinceau – dessinés avec audace sur des fonds neutres – se transforment en écheveaux de couleurs vives ; chaque marque révèle un geste emprunt de vivacité, comme une méditation sur la nature-même de la peinture.
La présente œuvre appartient à une série de tableaux acquis par le marchand d’art parisien Jacques Dubourg, dont la célèbre galerie a accueilli des expositions de Nicolas de Staël, Riopelle, André Lanskoy et Sam Francis dans les années 1960. Fils d’un encadreur qui avait été l’ami de Renoir et de Pissarro, Dubourg a été l’un des principaux promoteurs de l’art de Mitchell en Europe : l’exposition de ses peintures en 1962 au sein de sa galerie a été très bien accueillie par la critique et a connu un grand succès commercial. L’œuvre présentée ici est demeurée dans sa collection jusqu’à la fin de sa vie.

Joan Mitchell est née à Chicago en 1925. Diplômée de l’École de l’Institut d’art de Chicago, elle s’est installée à New York en 1950, où elle a rapidement accédé à la célébrité, appartenant à la deuxième génération de peintres expressionnistes abstraits. Mitchell était respectée par ses amis peintres New-yorkais tels Willem de Kooning, Franz Kline et Phillip Guston. Elle s’est imposée dans un monde compétitif et dominé par les hommes, et a refusé d’être définie comme appartenant à l’école de New York ou à toute autre étiquette esthétique.
En réalité, elle s’est toujours sentie en affinité avec une longue lignée de peintres européens, d’Henri Matisse à Claude Monet, en passant Paul Cézanne et Vincent van Gogh : Mitchell se retrouvait dans leur belle sensibilité, à travers notamment leurs couleurs chatoyantes qui rendaient hommage à la nature.
À partir de l’été 1955, Mitchell voyage fréquemment à Paris, et ses liens personnels et esthétiques avec les États-Unis se distendent un peu. L’abstraction picturale devient alors une réponse intuitive au lieu, au sentiment, au paysage et à la mémoire, plutôt qu’un système de signes ésotériques et subjectifs.

« Je peins à partir de paysages dont je me souviens et que j’emporte avec moi, ainsi que des sentiments qu’ils m’inspirent et qui, bien sûr, se transforment. Je ne pourrais certainement jamais refléter la nature. J’aimerais davantage peindre ce qu’elle me laisse. » - Joan Mitchell

Dans un numéro de 1956 de Cimaise, une revue française d’art contemporain publiée pour la première fois en 1952, l’historienne de l’art allemande Herta Wescher écrit :
« Si les jeunes Américains apportent à l’art d’aujourd’hui une vitalité, une fraîcheur, et se délectent d’une violence déchaînée, les Français se distinguent d’eux par leur plus grande sensibilité aux valeurs de la peinture, acquise grâce à une longue tradition, soutenue par un sens de la modération et de la discipline » (H. Wescher citée dans Joan Mitchell, cat. ex. San Francisco Museum of Modern Art, 2020, p. 93).
Après son déménagement en France à la fin des années 1950, Mitchell a rapidement trouvé une certaine confiance dans son style. Sa romance tumultueuse avec Riopelle, ses voyages d’été en Méditerranée et l’abstraction lyrique qui caractérise alors la créativité des artistes parisiens sont autant de sources d’inspiration pour des compositions complexes et larges.
Ainsi, Mitchell passait de nombreuses soirées au Café du Dôme, à Montparnasse, en compagnie de Samuel Beckett et d’Alberto Giacometti. Rue Frémicourt – que l’artiste américaine décrit comme « la chose la plus proche d’un loft qui existe à Paris » –, elle et Riopelle accueillent une belle équipe de peintres, de poètes, d’écrivains et de galeristes, organisant deux ou trois déjeuners par semaine (J. Mitchell citée dans ibid. p. 98). Parmi eux, Jacques Dubourg.

Avec ses cloisons mobiles le vaste atelier de la rue Frémicourt offre à Mitchell une nouvelle liberté dans sa méthode. Elle peut y travailler sur plusieurs toiles à la fois, passer avec fluidité d’une peinture à l’autre dans des séries libres et des suites thématiques, s’arrêter sur une œuvre pour y revenir plus tard. Ce processus cyclique deviendra l’un des piliers de sa pratique jusqu’à la fin de sa carrière.
La présente œuvre témoigne de l’approche renouvelée de Mitchell à l’égard de la création, dans laquelle elle considère la peinture non pas tant comme un objet à manier, mais comme une chose à laquelle il faut répondre et s’abandonner : un matériau physique, capricieux, voire 'autodéterminant' à part entière.
Ici, sa propension à l’expérimentation brille à travers de saisissants amas d’empâtements, des flux de gouttes et des torrents de larges coups de pinceaux. Mitchell alterne avec finesse la pression de l’application, la saturation du pigment et l’utilisation de la viscosité de son médium. L’intensité de l’œuvre est tempérée et réfléchie, reflétant ainsi sa réputation croissante de ‘méditante’, entre l’ordre et le chaos, la beauté et le désastre. Fusionnant les idiomes expressifs de l’Amérique et de la France avec son propre langage émotionnel, Mitchell donne vie à la peinture.


‘’Painting is a means of feeling ‘living.’ … Music takes time to listen to and ends, writing takes time and ends, movies end, ideas and even sculpture take time. Painting does not. It never ends, it is the only thing that is both continuous and still.’’ - Joan Mitchell

Joan Mitchell’s Untitled (1960) is a maelstrom of paint, colour, and line. Deep blue, black, teal, terracotta, olive, cream, and burgundy oil pigments drip, loop, build and crash over a pale white canvas that spans almost one metre in height. Its tempestuous vigour reflects a pivotal moment in the artist’s practice. In 1959, Mitchell settled in Paris in a spacious studio at 10 rue Frémicourt in the fifteenth arrondissement, which she shared with French painter Jean-Paul Riopelle. Here, her abstraction took new strides towards the unbounded lyricism that has come to define her oeuvre. Her brushwork—boldly exposed over neutral grounds—erupts into vivid and entangled skeins of colour; each marking is an incisive gesture of liveliness, a meditation on the nature of paint itself. The present work was among several paintings purchased by the Parisian art dealer Jacques Dubourg, whose respected gallery hosted shows by the likes of Nicolas de Staël, Riopelle, André Lanskoy and Sam Francis in the 1960s. The son of a picture framer who had been a friend of Renoir and Camille Pissarro, Dubourg was a key promoter of Mitchell’s art in Europe: his show of her paintings in 1962 at his gallery drew fantastic critical reception and commercial success. The present work, a vision of formal conviction, remained within his collection for the rest of his lifetime.

‘’Jacques Dubourg was a darling.’’ - Joan Mitchell

Mitchell was born in Chicago in 1925, and after graduating from the School of the Art Institute of Chicago, she moved to New York in 1950 where she quickly rose to fame among a second generation of Abstract Expressionist painters. Mitchell was respected by her fellow downtown painters such as Willem de Kooning, Franz Kline and Phillip Guston. She held her own within the city’s competitive, male-dominated art world, and refused to be defined by the New York School or indeed any other aesthetic label. She felt an affinity to a long lineage of painters across the Atlantic—from Henri Matisse to Claude Monet, Paul Cézanne and Vincent van Gogh—identifying with their elemental sensibilities and shimmering responses to the natural world. From the summer of 1955, Mitchell travelled frequently between New York and Paris, slowly releasing her personal and aesthetic ties to the United States. She honed her painterly abstraction as an intuited response to place, feeling, landscape and memory, rather than a system of esoteric and subjective signs.

‘’I paint from remembered landscapes that I carry with me—and remembered feelings of them, which of course become transformed. I could certainly never mirror nature. I would like more to paint what it leaves me with.’’ - Joan Mitchell

In a 1956 issue of Cimaise, a French contemporary art magazine first published in 1952, the German-born art historian Herta Wescher wrote: ‘’If the young Americans bring to today’s art a fresh vitality, and delight in an unleashed violence, the French distinguish themselves from them by their greater sensitivity for painting values, acquired through a long tradition, backed up by a distinct sense of moderation and discipline.’’ (H. Wescher quoted in Joan Mitchell, exh. cat. San Francisco Museum of Modern Art, 2020, p. 93) Mitchell swiftly found new stylistic confidence after her permanent relocation to France in at the end of the ’50s. Her tumultuous romance with Riopelle, summer sailing trips through the Mediterranean, and Paris’ thriving ‘abstraction lyrique’ provided rich inspiration for complex and expansive compositions. Evenings were often spent at the Café du Dome in Montparnasse drinking with Samuel Beckett and Alberto Giacometti. At rue Frémicourt—which Mitchell described as ‘the closest thing to a loft that exists in Paris’—she and Riopelle welcomed a vibrant cast of painters, poets, writers, and gallerists, hosting two or three lunches a week (J. Mitchell quoted in ibid. p. 98). Among them was Jacques Dubourg.

The larger studio, with its expansive spaces and moveable partition walls, afforded Mitchell newfound freedom in her working methods. Here, she could work on multiple canvases at once, move fluidly between paintings in loose series and thematic suites, and pause on a work to later return to it. This cyclical process would become a mainstay of her practice for the remainder of her career. The present work displays Mitchell’s invigorated approach to making, in which she embraced paint not so much as something to wield, but something to respond and surrender to: a physical, capricious, and self-determining material in its own right. Here, her unabashed experimentalism gleams through striking clusters of impasto, streams of downwards drips and torrents of broad brushstrokes. Mitchell alternates the pressure of application, as well as the saturation of pigment and viscosity of her medium with finesse. The work’s intensity is tempered and considered, reflecting her increasing reputation as a meditator between order and chaos, beauty and disaster. Fusing expressive idioms from America and France with her own, distinctly personal language of feeling, Mitchell brings painting to life.

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