Lot Essay
« Des personnages, il en germe d'autres en ce même mois d'avril 1958 ; sur toile. D'allure très différente: massifs, d'une pièce, majestueux et lourds, grotesquement imposants ; moins remuants sans doute par le geste extérieur, mais silencieusement actifs par leur texture interne. »
"Other figures were born in that same month of April 1958; on canvas. Very different in appearance: massive, one-piece, majestic and heavy, grotesquely imposing; less stirring, no doubt, in their external gesture, but silently active in their internal texture."
M. Loreau, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet, Fascicule XIV: Célébration du sol II, Texturologies, Topographies, Lausanne, 1969, p. 8.
Exemple saisissant de l’Art Brut, Le Sentencieux est un portrait singulier, loin des standards occidentaux de la représentation masculine. A la fin des années 1940, Jean Dubuffet se sert de ses voyages dans le désert du Sahara pour réaliser sa propre révolution picturale. Ses toiles, en célébrant ces voyages, introduisent la réalité du paysage avec sa texture, sa matière et son épaisseur. Il déclinera la terre et la matière organique, les utilisent comme composants essentiels à son œuvre.
La silhouette simple du Sentencieux de Dubuffet est placée sur un fond sombre de teintes organiques terreuses. Contrasté par les tons chauds de la peau beige, le contour de la tête directement posée sur le corps jaillit du fond plus foncé du tableau. Dépourvu des traits du visage, Dubuffet se contente de suggérer la présence des yeux haut placés, du nez, ainsi que d'une bouche, en pigmentant des zones denses à la surface du visage. Ce portrait épuré nous invite à concentrer notre attention sur la riche topographie d'empâtements, de traits lisses et de couches de pigments sombres et clairs. La figure elle-même est formée de nombreuses couches de peinture que l'artiste applique en grattant sur la surface de la toile.
Tant dans l’exécution que dans la présentation de cette œuvre, Dubuffet illustre son rejet des normes traditionnelles d'esthétique et de beauté, les trouvant statiques, étrangères à la réalité du monde : « Pour la plupart des Occidentaux, il y a des objets qui sont beaux et d'autres qui sont laids ; il y a des gens beaux et des gens laids, des endroits beaux et des endroits laids. Mais pas pour moi. La beauté n'entre pas en ligne de compte pour moi. Je considère que la notion occidentale de la beauté est complètement erronée. Je refuse absolument d'accepter l'idée qu'il existe des personnes et des objets laids. Une telle idée me semble étouffante et révoltante. » (Jean Dubuffet, cité par S. Ostrow, Beauty is Nowhere: Ethical Issues in Art and Design, Amsterdam, 2013, p. 12).
Le Sentencieux reflète cet état d’esprit, la tradition picturale occidentale est ici remise en perspective avec un corps nu désarticulé, abstrait et mouvant. C’est la nature et la texture qui sont mis à l’honneur dans cette peinture. Comme pour une grande partie de l'œuvre de Dubuffet, l'aspect fantaisiste de cette œuvre reflète la mission existentielle de l’artiste : rompre avec nos standards picturaux traditionnels pour redécouvrir les instincts primitifs qui sont au cœur même de la création. Avec sa sensibilité accrue à la matérialité, à la forme et à la physiologie humaine brute, l'œuvre témoigne de la sensibilité unique de l’artiste envers l'humanité. Le Sentencieux offre ainsi une synthèse de l’Art Brut et anticonformisme au fort de la carrière de Dubuffet.
Œuvre saisissante et percutante dans le travail de l’artiste, Le Sentencieux est présenté à New York, à la Pierre Matisse Gallery, l’année qui suivie sa création, en 1959. Elle participe en 1962 à l’exposition itinérante The Works of Jean Dubuffet, entre le MoMA, l’Art Institute de Chicago et Los Angeles County Museum, qui contribuera au succès international de l’artiste. Depuis cette exposition, Le Sentencieux demeure dans la même collection.
Le Sentencieux is an arresting example of Art Brut. It is a singular portrait, far removed from standard Western representations of male figures. In the late 1940s, Jean Dubuffet used his travels in the Sahara Desert to undertake his very own artistic revolution. His paintings celebrate those trips, introducing the reality of the landscape: its texture, its materials, its density. He used earth and organic matter as essential components of his work.
The simple figure of Dubuffet’s Le Sentencieux is placed against a dark background made up of earthy organic colours. Contrasting with the warm tones of his beige skin, the outline of the head, sitting directly on the body, bursts out from the darker background of the painting. Dubuffet does not give his subject any facial features, merely suggesting the presence of high-set eyes, a nose and a mouth through densely pigmented areas on the surface of the face. This pared-down portrait invites us to focus our attention on the rich topography of impasto, smooth brush strokes and layers of light and dark pigments. The figure itself is formed of multiple coats of paint, which the artist applied by scratching the surface of the canvas.
In both the execution and the presentation of this work, Dubuffet illustrates his rejection of traditional standards of aesthetics and beauty, which he found static and divorced from the reality of the world: “For most Westerners, there are some objects that are beautiful and others that are ugly; there are beautiful people and ugly people, beautiful places and ugly places. But not for me. Beauty doesn’t come into it for me. I consider the Western notion of beauty to be completely wrong. I categorically refuse to accept the idea that there are ugly people and ugly objects. I find the idea suffocating and revolting.” (Jean Dubuffet, quoted by S. Ostrow, Beauty is Nowhere: Ethical Issues in Art and Design, Amsterdam, 2013, p. 12).
Le Sentencieux reflects that state of mind, the Western pictorial tradition being thrown into a new perspective through a naked, disjointed, abstract, moving body. Nature and texture take centre-stage in this painting. As in much of Dubuffet’s work, the dreamlike feel of this piece reflects the artist’s existential quest: to depart from our traditional pictorial standards and rediscover the primitive instincts that lie at the very heart of the creative process. With a heightened sense of materiality, form and raw human physiology, the work shows the artist’s unique sensibility to humanity. Le Sentencieux is thus a perfect encapsulation of the Art Brut and anticonformism that characterised the peak of Dubuffet’s career.
A striking, arresting work, Le Sentencieux was presented at the Pierre Matisse Gallery in New York the year after its creation, in 1959. In 1962, it was part of the travelling exhibition The Works of Jean Dubuffet, held at MoMA, the Art Institute of Chicago, and Los Angeles County Museum, which would contribute to the artist’s international success. Since that exhibition, Le Sentencieux has remained in the same collection.
"Other figures were born in that same month of April 1958; on canvas. Very different in appearance: massive, one-piece, majestic and heavy, grotesquely imposing; less stirring, no doubt, in their external gesture, but silently active in their internal texture."
M. Loreau, Catalogue des travaux de Jean Dubuffet, Fascicule XIV: Célébration du sol II, Texturologies, Topographies, Lausanne, 1969, p. 8.
Exemple saisissant de l’Art Brut, Le Sentencieux est un portrait singulier, loin des standards occidentaux de la représentation masculine. A la fin des années 1940, Jean Dubuffet se sert de ses voyages dans le désert du Sahara pour réaliser sa propre révolution picturale. Ses toiles, en célébrant ces voyages, introduisent la réalité du paysage avec sa texture, sa matière et son épaisseur. Il déclinera la terre et la matière organique, les utilisent comme composants essentiels à son œuvre.
La silhouette simple du Sentencieux de Dubuffet est placée sur un fond sombre de teintes organiques terreuses. Contrasté par les tons chauds de la peau beige, le contour de la tête directement posée sur le corps jaillit du fond plus foncé du tableau. Dépourvu des traits du visage, Dubuffet se contente de suggérer la présence des yeux haut placés, du nez, ainsi que d'une bouche, en pigmentant des zones denses à la surface du visage. Ce portrait épuré nous invite à concentrer notre attention sur la riche topographie d'empâtements, de traits lisses et de couches de pigments sombres et clairs. La figure elle-même est formée de nombreuses couches de peinture que l'artiste applique en grattant sur la surface de la toile.
Tant dans l’exécution que dans la présentation de cette œuvre, Dubuffet illustre son rejet des normes traditionnelles d'esthétique et de beauté, les trouvant statiques, étrangères à la réalité du monde : « Pour la plupart des Occidentaux, il y a des objets qui sont beaux et d'autres qui sont laids ; il y a des gens beaux et des gens laids, des endroits beaux et des endroits laids. Mais pas pour moi. La beauté n'entre pas en ligne de compte pour moi. Je considère que la notion occidentale de la beauté est complètement erronée. Je refuse absolument d'accepter l'idée qu'il existe des personnes et des objets laids. Une telle idée me semble étouffante et révoltante. » (Jean Dubuffet, cité par S. Ostrow, Beauty is Nowhere: Ethical Issues in Art and Design, Amsterdam, 2013, p. 12).
Le Sentencieux reflète cet état d’esprit, la tradition picturale occidentale est ici remise en perspective avec un corps nu désarticulé, abstrait et mouvant. C’est la nature et la texture qui sont mis à l’honneur dans cette peinture. Comme pour une grande partie de l'œuvre de Dubuffet, l'aspect fantaisiste de cette œuvre reflète la mission existentielle de l’artiste : rompre avec nos standards picturaux traditionnels pour redécouvrir les instincts primitifs qui sont au cœur même de la création. Avec sa sensibilité accrue à la matérialité, à la forme et à la physiologie humaine brute, l'œuvre témoigne de la sensibilité unique de l’artiste envers l'humanité. Le Sentencieux offre ainsi une synthèse de l’Art Brut et anticonformisme au fort de la carrière de Dubuffet.
Œuvre saisissante et percutante dans le travail de l’artiste, Le Sentencieux est présenté à New York, à la Pierre Matisse Gallery, l’année qui suivie sa création, en 1959. Elle participe en 1962 à l’exposition itinérante The Works of Jean Dubuffet, entre le MoMA, l’Art Institute de Chicago et Los Angeles County Museum, qui contribuera au succès international de l’artiste. Depuis cette exposition, Le Sentencieux demeure dans la même collection.
Le Sentencieux is an arresting example of Art Brut. It is a singular portrait, far removed from standard Western representations of male figures. In the late 1940s, Jean Dubuffet used his travels in the Sahara Desert to undertake his very own artistic revolution. His paintings celebrate those trips, introducing the reality of the landscape: its texture, its materials, its density. He used earth and organic matter as essential components of his work.
The simple figure of Dubuffet’s Le Sentencieux is placed against a dark background made up of earthy organic colours. Contrasting with the warm tones of his beige skin, the outline of the head, sitting directly on the body, bursts out from the darker background of the painting. Dubuffet does not give his subject any facial features, merely suggesting the presence of high-set eyes, a nose and a mouth through densely pigmented areas on the surface of the face. This pared-down portrait invites us to focus our attention on the rich topography of impasto, smooth brush strokes and layers of light and dark pigments. The figure itself is formed of multiple coats of paint, which the artist applied by scratching the surface of the canvas.
In both the execution and the presentation of this work, Dubuffet illustrates his rejection of traditional standards of aesthetics and beauty, which he found static and divorced from the reality of the world: “For most Westerners, there are some objects that are beautiful and others that are ugly; there are beautiful people and ugly people, beautiful places and ugly places. But not for me. Beauty doesn’t come into it for me. I consider the Western notion of beauty to be completely wrong. I categorically refuse to accept the idea that there are ugly people and ugly objects. I find the idea suffocating and revolting.” (Jean Dubuffet, quoted by S. Ostrow, Beauty is Nowhere: Ethical Issues in Art and Design, Amsterdam, 2013, p. 12).
Le Sentencieux reflects that state of mind, the Western pictorial tradition being thrown into a new perspective through a naked, disjointed, abstract, moving body. Nature and texture take centre-stage in this painting. As in much of Dubuffet’s work, the dreamlike feel of this piece reflects the artist’s existential quest: to depart from our traditional pictorial standards and rediscover the primitive instincts that lie at the very heart of the creative process. With a heightened sense of materiality, form and raw human physiology, the work shows the artist’s unique sensibility to humanity. Le Sentencieux is thus a perfect encapsulation of the Art Brut and anticonformism that characterised the peak of Dubuffet’s career.
A striking, arresting work, Le Sentencieux was presented at the Pierre Matisse Gallery in New York the year after its creation, in 1959. In 1962, it was part of the travelling exhibition The Works of Jean Dubuffet, held at MoMA, the Art Institute of Chicago, and Los Angeles County Museum, which would contribute to the artist’s international success. Since that exhibition, Le Sentencieux has remained in the same collection.